22/12/2015

*Offrir*




Quand j'étais très petite, à un Noël, j'avais commandé une poupée bébé garçon.
Le matin, au pied du sapin, il y avait un sacré déballage. Je n'attendais qu'elle, ma poupée.
Nous étions chez ma grand-mère, je me souviens d'un fouilli de cadeaux, de bras, de rires, de papiers, de cris, de grandes personnes autour de la table immense.
Au bout d'un moment, quand tout s'est calmé, je n'avais toujours pas ma poupée.
Grande inquiétude. Echange de regards.
J'ai vu mon père disparaître, j'ai compris qu'il prenait la voiture. Un long moment après, il est revenu, un peu essoufflé, avec un gros cadeau pour moi. Et là, il a dit :
- Le père-Noël l'avait laissé tomber dans le grenier !

Cette année, je m'étais commandée toute seule un joli sac. Et cette fois, c'est le facteur qui n'a pas assuré. Il a dû se tromper de boîte aux lettres. Ou alors, il a pédalé si vite que tout son courrier s'est éparpillé derrière lui ! Bref. Mon sac n'est jamais arrivé.

L'année prochaine, je commanderai de la neige pour Noël. On verra bien.
En attendant, je vous remercie pour vos mots doux et vous souhaite une fin d'année tranquille, dans de beaux bras...

(Pour vos commandes, il n'y aura pas d'expédition entre le 23 et le 4 janvier, mais les frais de port sont offerts avec le code CADEAU jusqu'au 31.)


16/12/2015

*Anniser*




Au moment de quitter son désordre, je remarque un livre au-dessus d'une des nombreuses piles sur la table.
Je le prends. C'est un livre d'Annie Ernaux. Je m'aperçois que je ne l'ai pas lu.
Je le glisse dans mon sac.
Il est très noir, celui-là, j'entends.
C'est très bien s'il est très noir, je réponds.

Dans le métro, je lis la préface.
Mes pensées s'en vont instantanément vers ma grand-mère. Je lève la tête. Je me mets à observer et décrire mentalement le visage de la dame assise en face de moi. Elle ferme les yeux. Sa bouche est le début d'un sourire. Ses lèvres sont entourées d'une multitude de ridules. J'imagine que sous le reste du rose de leur rouge, elles gardent le souvenir de nombreux baisers. Son visage est très paisible, sa tête à peine dodeline. Ses cheveux colorés ondulent en légères vagues immobiles. Elle n'a presque plus de sourcils mais un trait de crayon très doux en souligne le tracé. Ses cils sont extrêmement courts. Elle a posé une légère ombre sur ses paupières.
Je me demande jusqu'à quand j'aurai la force de rester coquette.

Dehors, il pleut, la nuit est tombée, les trottoirs luisent et brillent des lumières de la nuit. Les phares rouges des voitures font la queue leu leu.
Je descends le boulevard. J'ai un sac sur l'épaule rempli d'accordéons. J'ai un grand sac en papier dans une main rempli de légumes. J'ai un autre sac en papier dans l'autre main rempli de fruits. Je cherche avec quelle main porter mon parapluie. C'est presque acrobatique.
Mes pensées sont dans la lecture d'Annie.
Et puis dans cette image si heureuse de ma grand-mère, un après-midi d'été sous le prunus, alors qu'elle tient dans ses bras son premier arrière petit-fils.

Je suis presque arrivée en bas du boulevard, je ne sens pas la douleur de mes bras, je n'entends pas non plus le craquement, mais soudain je vois des dizaines d'oranges de clémentines de pommes et de poires s'éparpiller sur le noir luisant du trottoir tout autour de moi.
Mes pas mes pensées s'arrêtent, la pluie continue de tomber, il y a, pendu à ma main, le reste du sac en papier.





09/12/2015

*Chalouper*


























J'ai traversé le pont le matin
J'ai traversé le pont dans l'autre sens le soir
J'ai traversé le pont le matin j'ai compté les mouettes folles et gaies tourbillonnant sur le ciel clair
J'ai traversé le pont le soir j'ai compté les reflets colorés dans le noir du fleuve muet
J'ai traversé le pont le matin avec la chanson
J'ai traversé le pont le soir avec la même chanson
J'ai traversé le pont j'ai chanté la chanson j'ai accompagné la voix j'ai fredonné les mots
Je ne sais pas
Je ne sais pas si la chanson m'allégeait ou m'enfonçait davantage
Je ne sais pas si je l'aimais, la chanson, si je la comprenais
Mais la chanson me portait me poussait me soulevait m'enveloppait me traversait me terrassait me bousculait
La chanson chaloupait faisait chalouper mes sensations chaloupait mes sentiments faisait chalouper mon corps chaloupait mes pas faisait chalouper mon coeur chaloupait le bas de ma jupe faisait chalouper mes pensées chaloupait les lampadaires chaloupait la lumière faisait chalouper mes paupières chaloupait le pont chaloupait chaloupait, la chanson, allait jusqu'à faire chalouper l'horizon


Et la petite vente de Noël chez Maison Bastille, c'est dimanche !


03/12/2015

*Recycler*





































Je recycle cet ancien papillonnage, il me va encore très bien....
Je recycle car je suis très occupée à préparer vos commandes et le Little Klin d'oeil de ce week-end.
J'espère que vous viendrez nous voir...

Il y a eu aussi un faire-part pour Isaac et un faire-part pour BruneMais ça,  je vous l'avais déjà dit sur Instagram ! 

26/11/2015

*Se réfugier*





















Mon café est de moins en moins fort et de plus en plus sucré. J'ai choisi une jupe au tissu si fluide qu'elle danse sur mes jambes et vous savez comme j'aime. La soie se cache sous la laine douce. Je m'emmitoufle. Je m'arrête dans le rayon du soleil et me laisse pleurer sous la pluie. Je glisse mes mains dans les boucles sous les chemises et dans les pages. Je suis en quête de voix graves aux mots tendres de voix gaies aux mots chantants, je n'entends plus ceux qui piquent ceux qui crient ceux qui savent mieux que personne. J'offre à la lune son dernier quartier et je me rêve nue sous elle. Je me rêve dans un refuge abandonné. Je me rêve dans une chambre anonyme. Je me rêve sous la plume de cent édredons. Je me rêve dans le vent glacé de Venise. Je me rêve avec mes joyeux à me rouler dans la neige. Je me rêve patiente. Je me rêve muette à écrire tout enfin. Ou, au contraire, plus rien. Je me rêve une maison. Je n'ai plus envie de donner d'explications.

Et puis, merci beaucoup pour vos mots et vos commandes.
Et pour toutes celles qui s'inquiètent, le tampon "Boîte aux lettres" sera de nouveau disponible dans le courant du mois de décembre.



14/11/2015

*Sinistrer*



















Avant, quand je passais devant le Bataclan, je pensais toujours à Jane. Jane B. C'est là que je l'ai vue la première fois en vrai. Dans le hall d'abord, on s'est croisées, puis en concert le même jour.
Maintenant, quand je passerai devant le Bataclan, je penserai encore à Jane, inévitablement, mais pas seulement. Je penserai à Jane, et au désastre.
Et puis, quand je tournerai à angle droit au bout de la rue Faidherbe avec mon vélo, parce que je tourne souvent à angle droit au bout de la rue Faidherbe avec mon vélo pour prendre la rue de Charonne, eh bien, oui, eh bien, non, enfin, si, l'angle sera toujours là, mais il ne sera plus droit, il sera obtus il sera mort. Et je ne pourrai pas m'empêcher d'imaginer les corps.
Et le vendredi,  quand le bourdon me prendra et que je dirai, viens, on va boire au Comptoir, viens, on va danser au Point éphémère, viens, on va longer le canal, comme je l'ai fait tant de vendredis soir, eh bien, je saurai qu'il est désormais possible de ne jamais se relever de cette envie-là.



13/11/2015

*Informer*



























Passer par ici vous dire que nous allons avoir trois raisons de se rencontrer prochainement :

Je serai chez Miss Dejolilou à Bourges les samedi 21 et dimanche 22 novembre.

Je serai au Little Klin d'oeil, à Paris, les samedi 5 et dimanche 6 décembre, avec 20 autres créateurs.

Je serai chez Maison Bastille, le dimanche 13 décembre, avec Mister Wood et Bla, bla etc !

Vous notez ?
Hier, moi, j'ai noté dans mon carnet : "Parfois, je ne sais pas pourquoi on me sourit."
Si vous venez me voir, je vous promets de ne pas chercher à savoir...



06/11/2015

*Vendrediser*




























Allez savoir pourquoi le vendredi soir plus que les autres soirs m'entraine vers le déclin. Allez savoir pourquoi le vendredi soir plus que les autres soirs je cherche la fuite. Allez savoir pourquoi la douceur de cette pluie de novembre m'attire. Allez savoir pourquoi je vais aimer entendre le claquement des talons sur l'asphalte. Allez savoir pourquoi l'odeur de terre mouillée le long du jardin des plantes va m'alléger. Allez savoir pourquoi imaginer mes doigts sur le verre de vin déjà me grise. Allez savoir pourquoi danser rend heureux je les ai vus dimanche sur les quais ce n'était que sourire. Allez savoir pourquoi la nuit est tombée à seize heures en même temps que les premières gouttes. Allez savoir pourquoi j'ai trouvé ça très doux. Allez savoir pourquoi j'ai contemplé longtemps les chemins sur la vitre mouillée et le mouvement des feuilles malmenées par le vent. Allez savoir pourquoi j'en ai profité pour commander des plumetis. Allez savoir pourquoi j'ai augmenté le son au moment de la chanson. Allez savoir pourquoi etc.
Allez savoir pourquoi surtout je ne veux pas le savoir.

03/11/2015

*Déséquilibrer*

















J'aime bien revenir.
J'aime bien écrire presque rien.
J'aime bien recevoir "Salut Papillon de nuit", la nuit.
J'aime bien quand vous me faites croire que je suis votre
J'aime bien quand tu aimes que j'ose te parler ainsi.
Je sens bien que je me tiens en équilibre sur rien.
Mais parfois. J'aime bien.


Cette petite phrase se retrouve sur une des cartes du calendrier Duo qui semble vous plaire beaucoup. 

23/10/2015

*Pluvioter*































En regardant par la fenêtre je me suis laissée aspirer par la douce désolation de l'automne et par l'appel silencieux du crachin. Il pluviotait sur les quais dorés d'octobre et je suis arrivée jusqu'à cet endroit où les chiens furètent gaiement et les amoureux s'enlacent sur les bancs de pierre.
C'était si gai de sentir dans mon dos la lumière décliner. Les mouettes m'accompagnaient.
A la fin de ma promenade la nuit était tombée et les trottoirs luisaient comme j'aime qu'ils luisent et il bruinait encore comme j'aime qu'il bruine et les verrières d'Austerlitz reflétaient mon désir dans le ciel.

Après j'ai parlé de dérive, d'écho et de petits bas de laine.



1 - Je dédie ce papillonnage à l'Arrosoir. 
2 - Ce dessin est un très vieux dessin repêché. Pardon.
3 - Merci beaucoup pour toutes vos commandes !





15/10/2015

*Détailler*




























Alors l'envie me prend de m'enfuir en forêt pour entendre dans le silence les feuilles croustiller sous mes pieds.
Alors l'envie me prend de m'enfuir à la mer pour sentir l'air glacé et les embruns m'ébouriffer.
Alors l'envie me prend de longer la Seine pour parler à personne et laisser le vent m'enlacer.
Alors l'envie me prend de traverser le pont parce que de l'autre côté parfois le détail est un autre.

Alors l'envie me prend d'un café sous le miroir dans le bel endroit.
Et d'une main qui effleurerait mon genou sous la table.




08/10/2015

*Tomber*




















C'est sur le pont Marie il a le journal à la main et sur la première page mes yeux lisent ça :
"Etre un homme, c'est pouvoir infiniment tomber." (Aragon)
Je trouve cette petite phrase immédiatement infiniment belle et la Seine sous mes yeux infiniment belle aussi et la lumière de ce jour d'automne aussi douce que le vent qui s'engouffre dans ma veste et que.

















Je me souviens aussitôt d'un de mes premiers papillonnage.
Il disait ça :

Tomber
Par hasard
Sur quelqu'un
Se heurter
Se blesser
Se traîner
Tomber
Tomber
Tomber encore
Tiens
Oui
C'est l'automne


















Je n'écris plus comme ça aujourd'hui.
Mais je tombe encore. Parfois. Infiniment.





07/10/2015

*S'emparfumer*



Quand j'ai fermé le volet le ciel était noir
La pluie avait réveillé le parfum de la lavande
L'effluve m'a caressé les joues

C'était délicieux. Cela aurait dû être suffisant.

*

Les calendriers 2016 sont prêts.
Quelques nouvelles cartes, aussi.
Et un accordéon amoureux.
Là.
Vous me direz ?

29/09/2015

*S'inventer*



















A les regarder sous la bruine, dans la nuit, les cheveux fous sous les feuilles endormies
A les regarder sur le pont, dans l'après-midi, les yeux étirés par le contre-jour, la bouche ourlée par la douceur des joues
A les regarder devant les entrelacs du mur gris, dans la lumière bleue, les mains mêlées au lierre désormais disparu
A les regarder les épaules liées les secrets déliés les pieds échangés et le même refrain
C'est moi que j'ai vue

C'est décidé
Je continue
De m'inventer


16/09/2015

*S'ajournaliser*





















Si je tenais un journal, j'aurais écrit qu'il avait cessé de pleuvoir et que j'aime pédaler quand l'asphalte luit dans le soir, quand le caoutchouc des pneus s'imprime sur le gris avec une petite musique presque poétique et quand s'élèvent au-dessus du jardin sombre des parfums de feuilles mouillées.
Si je tenais un journal, j'aurais écrit que j'ai aimé attendre dans la rue derrière la porte vitrée et que je sentais se former très profondément en moi le sourire à venir.
Si je tenais un journal, j'aurais décrit la parenthèse et je me serais efforcée de n'en traiter que les détails infimes que j'aurais mêlés à ceux de l'espace.
Si je tenais un journal, j'aurais écrit que la façon dont vous me devinez quand vous m'écrivez me surprend presque et me touche infiniment.
Si je tenais un journal, j'aurais écrit combien il m'importe que vous partagiez avec moi vos peurs et qu'elles sont étrangement semblables aux miennes.
Si je tenais un journal, j'aurais écrit qu'hier, j'ai redescendu le boulevard, un sac de fruits dans une main, un sac de légumes dans l'autre, un sac à main sur l'épaule et un sac de pensées dans la tête qui m'étiraient au fur et à mesure de la descente un sourire grandissant.
Si je tenais un journal, peut-être aurais-je décrit une à une ces pensées, ces souvenirs imagés. J'aurais ajouté que, dans mes déambulations, je suis parfois obligée de marquer un temps et de fermer les yeux tant le trouble provoqué par ces images me traverse.
Si je tenais un journal, j'aurais parlé du mot "ambivalence" dont il a cherché devant moi la définition dans le dictionnaire. Je lui ai dis que j'aimais beaucoup les illustrations de son dictionnaire. Et que l'ambivalence nous est probablement nécessaire.
Si je tenais un journal, absorbée par l'écriture, je ne sais pas si j'aurais vu cette pie sur le toit d'en face, arrogante, joyeuse et insolente.
Elle m'inspire le goût de la désinvolture.
J'aurais sûrement le temps d'écrire après.

Et pendant ce temps où je ne tiens pas un journal, je travaille un peu pour vous (je vous montre bientôt) et pour des bébés tout neufs


09/09/2015

*Arpenter*






















Je travaille seule. Toujours.
Je ne parle pas.
Je ne sors pas de chez moi.
Je reste parfois en pyjama.
Mais parfois aussi je mets mes chaussures et je marche dans l'appartement et j'aime bien je travaille seule avec mes chaussures que personne ne voit mais je suis bien avec mes chaussures comme ça je vais de l'ordinateur à l'imprimante au café au balcon en haut en bas avec mes chaussures aux pieds.
Et quand ils rentrent ils me disent mais qu'est-ce que tu fais avec tes chaussures à talon ?
Ben rien.
Et puis on danse.

*

Tous ces gens qui écrivent tous ces gens qui écrivent tous ces gens qui écrivent tous ces gens qui écrivent tous ces gens qui écrivent tous ces gens qui écrivent tous ces gens qui écrivent tous ces gens qui écrivent tous ces gens qui tous ces gens
C'est vertigineux

Je me demande si eux aussi dans leur solitude ils arpentent leur balcon en talon...


05/09/2015

*Décoller*






























Il avait dit : je voudrais un bouquet, c'est pour une fée.
Le fleuriste avait répondu : alors, si c'est pour une fée, il lui faut des fleurs variées.

A l'époque, mon lit se résumait à une plaque de mousse posée à même le sol dans une chambre sans fenêtre.
Ce jour-là, j'avais trouvé une brassée de fleurs multicolores qui sortaient leurs têtes de dessous ma couette.

Ce souvenir me traverse souvent.
Avoir été.
Vouloir rembobiner.

*

J'avance sur l'axe très droit entre deux rangées d'arbres tellement alignés que, la musique me portant, je me sens décoller.
Je pense à ces histoires qui se tissent dans le ciel au fil des mots mêlés.
Je pense à ces romans qui s'écrivent à notre insu.
Je ne voudrais pas m'arrêter de marcher.


29/08/2015

*Liseronner*























On aurait eu du mal à ouvrir la grille. Les liserons l'auraient envahie.
Je t'aurais suivi dans l'herbe haute, jusqu'à la porte de la maison.
Après avoir jeté un oeil à l'intérieur, tu m'aurais laissé entrer la première dans la pénombre. J'aurais avancé avec prudence dans le silence de la maison à l'abandon, j'aurais découvert les meubles endormis, l'immobilité de la poussière, une odeur particulière.
Je me serais tenue près de toi au moment où tu aurais ouvert les premiers volets. J'aurais voulu que notre regard découvre en même temps le jardin envahi. J'aurais été émue de voir entrer la lumière.
Tout comme je suis émue de l'écrire.
D'une pièce à l'autre, nous aurions répété ces gestes. La fenêtre. Puis les volets. Le regard. La lumière.
A chaque fenêtre ouverte, après, tu te serais tourné vers moi, en quête de mon impression.
J'aurais observé la couleur des murs, peut-être des tapisseries désuètes, peut-être des pierres nues. J'aurais tout observé. Les placards, que je ne me serais pas autorisée à ouvrir encore. Les chaises. Les fauteuils peut-être. La table. Les bibelots. Les photos. Les rideaux. Le carrelage. La baignoire. Les miroirs. Les absents.
En haut, je me serais assise sur le lit, au bout. Tu m'aurais rejointe. Nous n'aurions rien dit encore. J'aurais regardé le reflet de nos pieds dans la porte vitrée de l'armoire. Je crois que tu m'aurais embrassée.
Nous serions ensuite redescendus. On aurait pris des verres ou peut-être trouvé la cafetière. On serait alors sortis dans le jardin avec nos boissons à la main.
Un peu plus loin, on se serait allongés, enfoncés presque, dans le méli-mélo des herbes hautes et, ton bras sous ma nuque, on aurait attendu la lune.

Petite fiction pour un samedi soir de pleine lune, écrite depuis la grande ville, où les mauvaises herbes s'ennuient. 


24/08/2015

*Repriser*
























C'est un lundi de reprise, il pleut. Et le vent.

J'ai commencé par quelques courriers, répondu à des messages.
J'en retire cinq bribes :
Tout ce que je ne fais pas m'habite.
Mais on se souvient des petites vagues.
Parce que cela ne peut pas se dire tout simplement.
Je retiens que je suis une petite fille gâtée.
Je sens que l'appréhension commence à poindre.

J'ai retrouvé Augustin, et Christine Angot lui a dit :
"On vit, on est là, on partage des choses avec des gens, on leur parle, on fait des choses très intéressantes, on a plein d'émotions... On ne dit pas ce qu'on vit. Alors oui, on peut passer son temps à raconter sa journée son passé ses histoires, son histoire, comme on dit, mais ce qu'on vit, on ne le dit pas. Pourquoi ? Parce qu'on ne le sait pas bien."

Après ça, j'ai réfléchi longuement.
Voilà pourquoi je n'avance pas vite dans la reprise.
Je reprise à petits points à petits pas, l'accroc est assez vaste, l'entreprise minutieuse.

J'espère que vous avez passé un bel été ?
Je n'ai pas cessé de contempler l'horizon.


06/08/2015

*Accorder*























Je vous l'accorde
Je n'ai pas été très bavarde
Je vous l'accorde
Je m'épuise
Je vous l'accorde
Je m'évade
Je vous l'accorde
L'été se traverse en pente douce
Je vous l'accorde
Je m'épanche
Je vous l'accorde
Je m'éloigne
Je vous l'accorde
Je pourrai me contredire

Accordons-nous une pause
Le temps de ne plus réfléchir

(Pour vos commandes, pas d'expédition entre le 7 et le 23 août - Bonnes vacances !)


31/07/2015

*Enlacer*






































On freine toujours un peu dans les descentes on apprend la prudence
Mais
N'est-ce pas grisant ce courant d'air cet élan la jupe qui se soulève l'inattendu de l'emballement ?

J'enlace l'été suspendu silencieusement derrière les persiennes

Ce soir
Regarde le ciel




26/07/2015

*Sangloter*


























Il y avait des sanglots très tristes dans mon rêve. Si bien qu'en me réveillant j'en ressentais encore les secousses. Mais mes yeux étaient secs et j'avais perdu le pourquoi des larmes.

*

J'avance dans la petite rue désertée. Des roses anciennes dans la vitrine. Il a écrit à la main une citation sur du kraft, le fleuriste. Je m'arrête.
"Mesdames, si la personne qui vous accompagne vous estime si peu que, passant devant l'échoppe d'un fleuriste, elle ne vous comble pas d'un baiser et de fleurs : quittez-la !" Ovide, L'Art d'aimer.
Je vérifie derrière moi. Il n'y a personne.

*

Dans la voiture j'augmente le son de la chanson et nous rions en nous tortillant. J'ai mes talons dans mon sac j'y glisse mes pieds je ferme les boucles. Qu'il est bon de tanguer sous les arbres quand la nuit tombe.

*

Juillet se parcelle en douces sensations. Même la lune s'enlace.
"Continuez à être légère, c'est une forme d'élégance. Ne pas peser sur les autres."
Je fais de mon mieux entre les sanglots.



21/07/2015

*Luner*




























Il arrive certaines nuits que l'on cherche en vain la lune
Le ciel noir nu vide immense profond silence absence
Puis
Discrète d'abord
En quelques soirs s'impose
Rondement revient
Que ferons-nous sous la lune le 31 ?

16/07/2015

*Horizonner*























Je suis là je suis revenue le soleil m'a brulé les joues je suis là vous êtes où je dois trouver le courage de ne plus buter sur la même marche.
J'ai vu les petites voiles colorées dépasser le Phare du bout du monde. J'ai vu l'horizon et le soir colorer de noir les herbes dansantes sur la mer. J'ai regardé depuis les rochers les enfants quitter le port dans leur voilier.
J'ai écrit dans la nuit des mots minuscules. Un réveil toutes les deux heures comme les nourrissons pour me rassurer. J'ai eu peur dans le noir complet je n'étais pas dans mon lit il me fallait quelques secondes de tâtonnement dans les draps sur les murs pour retrouver mes pensées. Et m'y suspendre.
J'ai écrit "je suis inquiète jusqu'à l'horizon" et en même temps je me roulais dans le gazon en riant. Je transporte un paradoxe.
Je maîtrise le laisser aller, la douce dérive, l'amer abandon.


Merci pour vos commandes. Mes cartes s'envolent vers le Japon. Douce sensation.


04/07/2015

*Déserter*















Alors j'ai pris un vélo il était si tard tout Paris semblait s'être endormi et les rues désertées me regardaient glisser dans la douceur de l'air c'était.
Plaisir.

Mardi. Les poubelles ont fleuri dans les jardins du Palais royal. Ivresse de pétales.
Jeudi. Les fleurs ont fané dans mes bras. Je suis dans sa boîte.


(Pour vos commandes, il n'y aura pas d'expédition du 6 au 16 juillet. Je m'accorde la mer et le vent.)



29/06/2015

*Vernisser*



























D'abord j'ai tiré les rideaux, la lumière s'est mise à la sieste j'ai aligné les orchidées.
Les unes derrière les autres dans la baignoire le vert sur le blanc douche tropicale dans la pénombre j'ai finalement enjambé. Les pieds sous les feuilles les jambes nues la jupe relevée je nous ai aspergées d'eau glacée. L'odeur de terre s'est élevée.
Après, moi et mon vélo non mon vélo et moi, rafraîchis, on a pédalé jusque chez You You parce que c'est bientôt la plage et j'avais envie de rose pétale j'avais envie d'un truc de midinette en tongs.
Bonjour YouYou (maintenant YouYou elle m'embrasse) et là, les pieds dans la mousse, incroyable, ma voisine de vernis s'appelle Dolorès.
Do. Lo. Rès. (Vingt ans à peine même sans chaussette moi qui déjà déclinais je m'effondre. Inspiration profonde.)
Les jambes de Dolorès sont parfaitement dorées je me mets à penser au roman photo de l'été. Dolorès, quand même, ce n'est pas rien je crois que je vais commencer par écrire la fin. Je me demande, mais. Mais oui, qui de lui ou d'elle versera les larmes, hein Dolorès, les larmes, c'est lui ou toi à la fin de l'histoire ?
Hautaine, Dolorès ne me regarde même pas et moi, distraite, j'en rate ma couleur c'est presque une horreur. A la trappe mon rêve de pétales. Tant pis. Je ne sortirai qu'à la nuit tombée. Promettez-moi de ne pas regarder mes pieds.

(Les frais d'expédition sont offerts avec le code PAPILLON jusqu'à vendredi soir. Après je mets mes tongs. Pas longtemps. Promis.)

25/06/2015

*Galeriser*


























Et donc.
Alors que je piétinais tranquillement vous savez quoi, j'avançais dans la douceur de ce samedi après-midi, je déambulais je vagabondais je flânais je rêvassais, presque je me délectais.

Rue du pont Louis Philippe, la galerie.
Hervé Guibert. Une photo d'Hervé Guibert. Une jolie photo d'Hervé Guibert dans la vitrine. Toujours. Toujours quand je passe une photo d'Hervé Guibert, là. Et une pensée pour Mirabelle.
Je continue. Deuxième vitrine de la galerie. Elle est presque vide. Comme la première.
Trois choses. A droite, posé à plat, un livre sur l'histoire de cette galerie. Au centre, une grande photo, à la verticale, une belle photo en noir et blanc. A gauche, une feuille blanche posée à plat, avec écrit dessus, "Bail à céder" et deux numéros de téléphone.
Je ne comprends pas tout de suite ce qui me plaît. J'hésite à faire une photo mais je sens que ce qui me touche dans la vitrine n'apparaitra pas sur la photo. J'aime le vide qui l'occupe. La poussière. Les peintures vieillies. Le léger abandon. Le début d'abandon.
Je laisse un peu traîner mes yeux. J'accroche encore un peu mon regard à la vitrine à la photo à la poussière au bail à céder alors que je reprends ma marche sur le trottoir. Et puis je pars.
Alors.
Un homme court derrière moi et me rattrape.
Il dit, c'est moi qui ai fait cette photo, seriez-vous d'accord pour que je fasse votre portrait ?
Silence. Une seconde. Sourire. Vous me mentez, je lui dis. Et je pense, je ne suis pas née de la dernière pluie vous le voyez bien.
Mais non, insiste-t-il. C'est bien moi qui ai fait cette photo et j'expose à l'intérieur.
Ha. Bon. Eh bien, montrez-moi votre exposition.
Et nous entrons.
J'avoue que je regarde à peine les photos accrochées sur tous les murs. Mon esprit est préoccupé par les petites phrases. Seriez-vous d'accord ? Un portrait de vous.
Il dit, j'ai une autre exposition aussi. Le vernissage est la semaine prochaine.
Alors je viendrai, je réponds.
Echange formel des petites cartes, je repars.

Au bout de la rue, la Seine était éclairée par le soleil presque couchant.
J'ai pris à gauche, j'ai fait danser ma jupe sur mes jambes nues, puis j'ai pris un vélo et j'ai zigzagué dans les petites rues.


20/06/2015

*Piétiner*


















Alors, en descendant, je me suis arrêtée chez le cordonnier.
Je lui dis, rendez-moi mes chaussures, j'ai besoin de piétiner quelque chose.
Voilà, me dit-il, comment ça va ?
Je hausse les épaules je fronce le nez.
Qu'est-ce que je peux faire, vous prendre dans mes bras ?
Je lui souris, combien je vous dois ?
20 euros.
Je pose le billet sur le comptoir devant lui.
Je ne vous ai pas dit, ajoute-t-il, c'est 20 euros plus la bise.
Alors je me penche par dessus le comptoir et.
Une à droite, une à gauche, plus longue, la deuxième.
Humm... J'vous adore, vous, ajoute-t-il.

Ce cordonnier est unique.

*

J'ai mes chaussures, je vais pouvoir piétiner mon chagrin.
Il est beau, ce mot, chagrin.
Ce n'est pas grand-chose, un chagrin.
C'est une toute petite chose invisible et presque douce.
Quelque chose qui parcourt en silence.
Une tendre avalanche.

*

Merci pour vos mots. Beaucoup.
Si on faisait n'importe quoi ce soir ?


17/06/2015

*S'enfleurir*




























Je guette le pois de senteur, il est sur le point d'éclore
Le volubilis chaque jour se déploie
La clématite fait sa discrète cette année, juste quelques fleurs d'un côté
Le petit rosier, malade, peine. Je l'aide.
Le jasmin est sur la fin, il s'en est donné à coeur joie
Le laurier blanc est ravissant
L'arbre aux papillons est très en retard. Je dirais même qu'il stagne.
La pervenche est envahie par une colonie de fourmi
Les bambous se revigorent
Le houx blond enlace le saule assoiffé
Le petit acacia se balance, c'est à son pied que les pois foisonnent
La digitale m'a surprise, quel honneur
La lavande se couche, toujours
Les capucines sont en feuilles
Le trèfle est violet
La belle de nuit se prépare à veiller durant les longues soirées d'été
Le lierre est vieux et silencieux

J'ai coupé les fleurs fanées
Je les ai photographiées
Elles sont belles oui elles sont belles aussi

*

Il est entré dans la pièce où je l'attendais et il a dit, vous ne trouvez pas que c'est trop chargé maintenant. J'ai à peine haussé les épaules et puis j'ai dit, oui, mais il est joli ce petit sofa. Je vous le donne ! s'est-il exclamé. Nous avons souri. Je ne sais pas où je pourrais le mettre, mais vous savez que j'en rêve d'un petit sofa comme celui-là. J'en rêve dans cet endroit que je n'aurais jamais et qui s'ouvrirait sur un jardin. Je pourrais vous inviter et nous pourrions continuer à nous raconter encore.

*

Tant pis.

*

Je sens que ce blog s'épuise. Nourrissez-moi !

*

Je sens que je vous attends. Ecrivez-moi !


15/06/2015

*S'emballer*


























Il suffit d'évoquer un baiser, et les coeurs s'emballent...

Un baiser, une nouvelle carte.



08/06/2015

*Nuancer*



















Mardi, il y a le Desplechin à la Pagode et en ressortant l'envie de lui écrire. Toujours. Toujours les mêmes envies. Cher Arnaud, si vous saviez...
Mercredi, la culpabilité le doute et l'ennui qui n'en finissent pas de me donner la nausée. Voilà qu'il me prend l'idée de vagabonder, je n'avais pas envisagé que cela allait me confondre. Comprenne qui pourra.
Jeudi, je dis, désolée vous allez être déçu, mais non, ce n'est pas mon prénom. A part ça, je sens que je fane.
Vendredi, les arrosoirs, la chaleur, le dîner en ville, le bref orage.
Samedi, ma robe à l'envers à l'ombre des platanes, des bricoles dans mon sac, des couloirs infinis, le soleil et ses deux jolies filles qui me rassurent et me sourient. Une glace dans le soir.
Dimanche, les premières cerises pour le dessert et je découvre la butte Bergeyre en jupe verte. Je voudrais m'asseoir au soleil et me prêter aux confidences.

*

Il faut des nuances musculaires, dit-elle de sa voix perchée en insistant sur "faut" puis sur "nu" puis sur "laires" et en accompagnant le chemin de sa phrase avec sa main qui ondule. Sinon, c'est comme si vous racontiez une histoire sur le même ton, c'est monotone.
Il faut des nuances musculaires. Il faut des nuances. Oui. Nuançons.
Laissez-moi nuancer ma monotonie.

*

Laisse-moi être silencieuse aussi.


01/06/2015

*Cocher*



J'ai dit secouez-moi et elle m'a demandé de dessiner des framboises.
Après j'ai choisi l'évasion.
Ce n'est pas vraiment par hasard que j'ai poussé la porte du numéro 20. J'ai cédé à la facilité pour regagner en légèreté, je n'ai donc pas résisté aux chaussures. Elles sont parfaites elles sont starlettes elles sont invite-moi à prendre un verre elles sont invite-moi à rire avec toi.
L'eau du canal était vert printemps je l'ai enjambé en passant sous la fraîcheur du marronnier. Les fleurs étaient sur leur fin, j'ai pensé aux mains.
Sur la placette aux brocantes j'ai pris une citronnade à la paille en déambulant entre les vieux tableaux les verres anciens les pampilles les lampes sur pieds les meubles bancals et le chien au repos.
J'ai enfourché un vélo.
(Le garçon, dans le magasin, il a dit, avec ces chaussures-là, il ne faut pas faire de vélo, il ne faut pas conduire, il ne faut pas marcher dans les graviers ni sur les bouches d'égout ni. Qu'à cela ne tienne, je les tiendrai à la main et je courrai en ballerines. Je m'arrêterai sous un porche pour les enfiler et j'enverrai les autres au panier.)
J'ai pédalé, l'air frais se glissait dans mes manches des larmes s'enfuyaient sur mes tempes.

*

A la maison Karrenbauer, rue de Charonne, il est écrit "A toute heure, on vous sert le bonheur."
Il était 11 heures j'ai pris une brioche au sucre et un café allongé j'ai voulu tester. Les tables rondes étaient alignées sur le trottoir je me suis assise à la cinquième en partant de la gauche. Déjà c'était agréable. A 11h30 j'ai pris la barre et au premier plié je souriais. J'ai senti que ça commençait à décliner au moment des grands battements. Je me suis dit que je prendrai un autre café en sortant.

*

Un jour elle m'a dit, il y a beaucoup de chaussures dans ton écriture.
Un jour il m'a dit, il y a beaucoup de "pas" dans votre écriture.
Aujourd'hui je me dis que finalement tout ça est assez cohérent.

*
- Tu sors de la pénombre quand même ? me demande-t-il.
- Je suis en pleine clarté, je lui réponds.

*

J'ai coché les cases j'ai choisi les dates l'année prochaine j'irai au spectacle.
"Cocher, ça veut dire faire une croix dans un petit carré", explique la petite fille dans le TGV.


27/05/2015

*Secouer*



Secouez-moi poussez-moi violentez-moi je m'abandonne
Dites-moi incitez-moi rassurez-moi je m'abandonne
Protégez-moi bousculez-moi emmenez-moi je m'abandonne
Portez-moi pressez-moi obligez-moi je m'abandonne
Entrainez-moi trainez-moi déterrez-moi je - vous avez compris - m'abandonne
Serrez-moi dansez avec moi intéressez-moi je
J'aime beaucoup dessiner les myrtilles
M'abandonne



22/05/2015

*S'étreindre*























Elle trace à la craie un cercle sur une grande vitre et elle dit, c'est une étreinte. Elle trace une croix à côté et elle dit, c'est un baiser. Elle trace un autre cercle, elle répète : une étreinte. Elle trace une autre croix, elle répète : un baiser. Compris ? Et elle continue sur le sol. Elle trace un cercle, une étreinte. Elle trace une croix, un baiser. Une étreinte. Un baiser. Une étreinte. Un baiser. Une étreinte. Un baiser. Le sol se couvre de cercles et de croix. Une étreinte. Une étreinte. Une étreinte. Un baiser. Une étreinte. Un baiser. Un baiser. Une étreinte. Une étreinte. Un baiser.
Puis elle va chercher un oreiller volumineux et s'allonge sur la scène, la tête dans le moelleux. Son visage fin et gracieux, souriant. Ses yeux fermés. Son corps en position de sommeil. Sa robe nuisette soyeuse. Ses longues jambes repliées légèrement sur la scène. Ses pieds nus.
Elle se relève et demande, j'ai dormi joliment, non ?
Oui. Oui. Oui.
Encore un très beau Pina hier soir. Deux en six jours cette année. Je suis gâtée.
Une étreinte. Un baiser. Une étreinte. Un baiser. Une étreinte. Une étreinte. Une étreinte. Un baiser.

A un moment j'ai pensé, mais comment peut-on à ce point ne pas faire ce qu'on a envie de faire ?
Je pense beaucoup quand ils dansent.


19/05/2015

*Historier*






























C'est l'histoire d'une fille qui enfile une jupe longue et qui prend son reflet en photo dans la porte vitrée
C'est l'histoire d'un homme qui avance sur le trottoir avec une canette de bière posée sur la tête
C'est l'histoire de Claude qui fait mousser le lait pour le chocolat chaud dans un pichet en inox
C'est l'histoire d'un garagiste qui dit, je préfère que ce soit vous qui déposiez la voiture demain plutôt que votre mari
C'est l'histoire d'une fille qui me dit qu'elle ne répond jamais au premier sms ni au deuxième mais parfois au troisième
C'est l'histoire d'une fille qui écoute les chansons d'un homme
C'est l'histoire d'un homme qui dit j'ai envie
C'est l'histoire d'une femme qui se trouve toujours plus nulle que les autres
C'est l'histoire d'une fille qui s'immisce
C'est l'histoire tu sais l'histoire que tu me racontes
C'est l'histoire d'un garçon joyeux qui me fait rire
C'est l'histoire d'une étoile qui dit adieu
C'est l'histoire d'un homme qui tremble
C'est l'histoire de la pluie qui se met à tomber alors que ces deux-là s'embrassent
C'est l'histoire d'un homme qui dit, je ne me sens pas à la hauteur, et d'une fille qui dégringole
C'est l'histoire d'une femme qui avoue trouver ça très beau
C'est l'histoire d'un bouquiniste qui met certains livres en avant dans sa vitrine car il sait qu'elle passe devant le mardi
C'est l'histoire d'une fille qui efface une phrase sur deux dont la dernière


Inspiration dessin.


10/05/2015

*Promener*























Cette nuit, dans mon rêve, je promenais ma grand-mère dans un lit à barreaux
Cette nuit, dans mon rêve, j'ai vu sa tristesse, celle que l'on ne perçoit pas quand on est un enfant
Ou que l'on tait ou que l'on voudrait effacer ou que l'on ne peut pas comprendre
Cette nuit, je cherchais une solution pour qu'elle sourie
Cette nuit, ils étaient longs les couloirs, il y avait des miroirs, je voulais qu'elle soit jolie
Cette nuit, dans mon rêve, son silence et sa tristesse

Après
C'est la lumière vive du soleil derrière le rideau
La caresse familière et douce
Le drap de lin sur la peau
Les pieds nus sur le parquet et la première gorgée de thé

Ce sont toujours un peu les mêmes recettes
Les mêmes sensations la floraison qui rendent heureux les papillons

Une colonie de fourmis s'est installée sous ma pervenche
Si on allait voir les iris au jardin des plantes ?






















Il y a de nouvelles petites robes, c'est bien pour les mamans, pour les mamies, pour toutes les filles !

07/05/2015

*Mardiser*


































Mardi j'ai dit en refermant le tiroir, je crois que ça va être une mauvaise journée.
Pourquoi ?
Je ne sais pas je ne me sens pas bien.
Mardi, trois papillons dans ma boîte, des fleurs ses mots mon sourire l'évidence m'aspire.
Mardi, Claude non plus il n'était pas au mieux, ses mots étaient courts et secs, vif le bruit de la cuillère.
Mardi, je lui ai dit, je suis très robe et j'ai failli pleurer j'étais en jean mais ce n'était pas pour ça la gorge serrée.
Mardi, je lui ai demandé pourquoi il me posait toujours les mêmes questions.
Mardi, c'était promenade avec la bouche en banane à l'envers.
Mardi, j'ai essayé du rose très pâle très beau mais je suis si rose pâle que non, ton sur ton ce n'est pas très.
Mardi, je n'ai pas fait la photo de cette petite fenêtre avec les trois plantes. Je n'ai pas photographié non plus ce vieil ours râpé dans la vitrine à côté d'un réveil. Je me suis retournée trois fois pourtant. J'ai photographié la façade rose aux volets presque tous refermés. Je me demande pourquoi je tourne au rose. La mode. Le pouvoir de la mode sûrement. Je n'ai pas photographié la dame assise sur le trottoir avec son adorable lapin. Je lui ai souris elle voulait des pièces elle tendait la main.
Mardi, je me suis assise plus loin sur un banc deux minutes pour.
Mardi, j'ai fini par prendre un vélo.
Mardi, la Seine débordait je n'ai pas fait de photo. J'ai pensé que la dernière fois qu'elle était aussi haute tu.
Mardi, toutes les tentes sur les quais tous les tentes et les hommes dedans devant.
Mardi, il était quinze heures quand j'ai déjeuné.
Mardi j'ai eu envie d'arrêter.
Mardi, elle m'a dit, et si on faisait ça, tu serais partante ?
Mardi, j'ai répondu, mais oui, bien sûr, je suis déjà partie.


03/05/2015

*S'enrober*




























Je n'ai pas vraiment adoré ce film, Journal d'une femme de chambre, mais j'ai aimé l'image et le regard de Benoît Jacquot.
Et pour celles qui aiment les robes, ou qui veulent en offrir, une petite garde-robe par ici !


27/04/2015

*Dolceviter*

























Et puis l'espace se fait et avant qu'il m'aspire me vient l'envie de danser.
Je tape, tu vas à la Dolce Vita ?
Il répond, oui, avec S., la petite jeune que tu connais.
(Je suis vieille.)
J'ai envie d'un tango à la Dolce Vita parce qu'avec un nom pareil même s'il est raté, mon tango, je vais trouver de quoi me fabriquer des images.

Il pleut.
Le vert regorge les feuilles s'en balancent les seaux se remplissent la machine essore.
Je vais aller choisir ma robe.

*

Le remède à la mélancolie ce sont les chaussures dorées et la jupe qui se soulève qui se gonfle qui ondule quand en tournant nous passons devant les ventilateurs posés au raz du sol.
Voilà. C'était ça la Dolce Vita hier soir.
Un doux vent dans les jambes.





22/04/2015

*Saluer*
































"Ce mois de mars s’annonce triste encore. Rien ne se passe rien ne la grise elle boit la tasse c’est dégueulasse. Merci Benjamin.
C’est aussi le mois du premier cheveu blanc. Incroyable. Elle n’y croit pas. Ce n’est pas possible. Un cheveu blanc. Bien sûr on le voit à peine, dans ses cheveux clairs. On le voit à peine, on ne le voit pas même, mais elle le voit elle, qui se dresse en vainqueur. Seul. Seul au milieu de tous les autres. C’est terrible. Elle sait que c’est un signe, encore un, du temps qui passe. Elle ne veut pas. Elle ne peut pas. Vieillir. Non. C’est insupportable. Ce n’est pas elle une vieille femme. Une femme même. Elle veut toujours être cette jeune fille errante. Même si elle est triste. Elle veut être celle qui séduit. Elle veut séduire toujours. Avoir la peau lisse. Et pas de cheveux blancs.
Que c’est triste. Et émouvant en même temps. Sa solitude. A lui. A ce cheveu. Sa solitude. Sa clarté aussi. La clarté de ce cheveu blanc lui est soudain très émouvante."

(Extrait du très vieux manuscrit abandonné.)

*

C'était le jour de l'enterrement de mon grand-père. Je me tenais debout derrière ma grand-mère, assise sur ses roulettes, déjà. Nous étions devant l'église. Les amis venaient l'embrasser, lui serrer la main, avant d'entrer par la grande porte.
Un vieux monsieur s'est approché d'elle, s'est présenté et lui a dit :
"Je suis venu saluer mon vieil ami. Il y a sûrement cinquante ans qu'on ne s'était pas vus, je l'aimais beaucoup Paul, on était de vieux copains, on en a fait de belles tous les deux !"
Et là, dans ma tristesse, j'ai ressenti profondément l'absurdité de la situation.
J'ai eu envie de lui dire, à ce vieux monsieur doux et charmant : Mais pourquoi ? Pourquoi n'êtes-vous pas venu voir mon grand-père quand il était vivant ? Pourquoi n'êtes-vous pas venu goûter son vin, admirer son jardin ? Pourquoi n'êtes-vous pas venu vous asseoir sur son banc, pour caresser ensemble vos souvenirs ? Pourquoi n'êtes-vous pas venu avant vous régaler de la cuisine de sa femme, avec la vôtre ? Pourquoi ne seriez-vous pas allés tous les quatre au bal dans la même voiture, vos dames à l'arrière en robes fleuries, et vous, la clope au bec, riant, les vitres ouvertes ? Pourquoi n'êtes-vous pas venu le chercher pour partager une balade une partie de pêche ou de pétanque un bout de zing ou je ne sais quoi ?
A quoi cela sert-il de rendre visite aux gens quand ils sont devenus froids ? Quand ils ne peuvent plus vous sourire ? Quand vous ne pouvez plus leur faire plaisir ? Quand ils ne peuvent plus vous faire plaisir ? Dites-moi, dites-moi, hein, à quoi cela sert-il ?

*

Je ne comprends pas pourquoi on est tous là à ne rien oser se dire.
Je pense à vous. A toi. J'espère que tu viendras me saluer un jour, avant que je sois totalement blanchie, avant que je ne puisse plus danser, avant que je sois refroidie. 

*

Qu'est-ce qu'on attend ?

*

J'ai mis dans le magasin deux mini affiches. Des duos photo/dessin. J'espère qu'ils vous plairont.


16/04/2015

*Remédier*















- L'important, dit-il, c'est le mouvement.
- Le mouvement comme ça ? demande-t-elle en se levant et en faisant tourner sa jupe.
- Le mouvement comme vous voulez.

*

J'aime sentir le bas de ma robe danser.
J'aime sentir le tissu caresser mes jambes nues.
- Le vert vous va très bien.
- Merci.
Vous savez, c'était hier, c'était la nuit déjà, c'était là-bas encore, j'ai couru sur les pavés au risque de me tordre les chevilles, j'ai couru an talons, j'ai couru j'ai traversé la place, j'ai frôlé la fontaine, celle qui fait le bruit, la nuit, le vacarme d'un Fellini, j'ai couru jusqu'à l'estrade sous les verrières de la Villette, j'ai couru et j'ai dansé, six tangos bancals dans mes chaussures dorées, six tangos, deux danseurs et la douceur du ciel noir.
Je vous assure, si, oui, je vous assure, on est beaucoup plus vivant quand on danse. Et encore plus quand on écrit à la suite. Et quand on court aussi. Et quand on écrit que l'on court. Et quand on écrit que l'on veut. Quand on écrit je veux. On est beaucoup plus vivant. On est beaucoup plus vivant quand on écrit que le bas de la robe danse. Et surtout quand on le sent. Quand on écrit je veux. Je veux sentir encore le bas de ma robe danser. Je veux encore danser. Je veux encore que tu. Je veux encore que tu me fasses danser.

*

Ce n'était pas hier, c'est un texte ancien.
Mais je vais enfiler cette nouvelle jupe comme un remède et tourner devant le fenêtre ouverte.
On verra bien.


09/04/2015

*Percer*

































C'est comme ces petites plantes petites fleurs petites herbes qui arrivent à se faire une place dans une fissure de bitume dans le coin d'une trappe d'égout dans le relief d'un mur dans un endroit hostile dans l'immensité là où on les ignore là où tout est bouché là où ça ne respire plus là où il faut être fort là où les routes sont tracées là où c'est interdit là où les autres ne regardent plus là où on les écrase là où les filles portent toutes les mêmes chaussures
Elles sont incongrues, ces fleurs
Elles sont étranges
Elles sont résistantes
Elles sont émouvantes
Elles sont vulnérables
Elles sont frêles
Elles sont seules
Oui
C'est un peu comme ça

*

- Mais pourquoi un canard ?
- Je vous dirai après.


07/04/2015

*Bouqueter* #2





























Les petits bouquets de brins sont et dans le magasin...


30/03/2015

*Croquer*

































Elle m'a proposé des chaussures Dior pour me fondre dans le décor
J'ai préféré garder mes souliers, je n'aurais pas voulu trébucher

J'ai assuré le chignon les lèvres rougebaiser les ongles peints et la robe ajustée
Et j'ai monté les marches de l'hôtel particulier

J'ai frôlé les pampilles les bouquets généreux, accepté la coupe les bulles la chips délicate la luxueuse évasion
Juste avant de sentir avec émotion mes talons s'enfoncer dans la moquette épaisse et écrue du bureau de monsieur Yves

J'ai avalé les croquis les croquis croquants croqués et magnifiques la grâce des robes à venir les échantillons de tissu épinglés
Je me suis sentie inspirée soudain par ce trait libre et élégant du très talentueux Yves Saint-Laurent

Et me glisser dans toutes les robes
Toutes les robes
Toutes les robes les chaussures les drapés
Juste un instant onduler en pensée
Juste un instant
Un instant seulement
Un instant
Seulement
Un instant plaisir plaisant tellement

Après
Après
Ça rigole
Ça divague
Ça rêvasse
Puis ça dégringole
J'en suis où moi déjà ?

Et puis
Revenir et sautiller dans la nuit avec le sac qui brille, c'est aussi croiser les hommes et les femmes qui dorment sur l'anthracite des trottoirs ou au-dessus du souffle chaud d'une bouche de métro
Emmitouflés
Recroquevillés
Oubliés

Alors


Dessin : modeste gribouillage inspirée par l'exposition Yves Saint-Laurent 1971



23/03/2015

*Morceler*































Je ressens les morceaux les bribes l'étiolement
Je ressens l'espace le vide l'immensité le vertige
D'un côté, le mur
De l'autre, le précipice
J'entends mes répétitions
J'entends mes lamentations
J'entends mes rengaines
J'entends mes doutes
J'entends mes certitudes

Je ressens le disloquement
Je ressens l'éparpillement
Je ressens le vieillissement
Je ressens l'anéantissement

Je ressens le léger aussi
Si si
Le léger
J'aime
J'aime le léger
Le léger du baiser sur la nuque
Celui du vent sous les jupes
Des mots volatiles et éphémères
Des mots qui volent dans les airs

J'appréhende la chute
Cependant
J'appréhende le renversement
Le lent renversement
Alors que je veux j'attends je guette le bouleversement
Le bouleversant bouleversement

J'aimerais que quelqu'un m'attrape me rattrape
J'aimais bien quand vous saviez et que je ne savais pas.

*

Alors oui c'est vrai il me manque encore les chaussures vertes pour avoir le pied léger
J'ai trouvé des jaunes je vais essayer de sautiller avec
Pour voir

*

Ce que j'aime, c'est te dire n'importe quoi et te voir rire et rire avec toi.

*

Mais voyons, amusez-moi !

*

Sinon vendredi, j'ai décoré une nouvelle vitrine.