29/09/2015

*S'inventer*



















A les regarder sous la bruine, dans la nuit, les cheveux fous sous les feuilles endormies
A les regarder sur le pont, dans l'après-midi, les yeux étirés par le contre-jour, la bouche ourlée par la douceur des joues
A les regarder devant les entrelacs du mur gris, dans la lumière bleue, les mains mêlées au lierre désormais disparu
A les regarder les épaules liées les secrets déliés les pieds échangés et le même refrain
C'est moi que j'ai vue

C'est décidé
Je continue
De m'inventer


16/09/2015

*S'ajournaliser*





















Si je tenais un journal, j'aurais écrit qu'il avait cessé de pleuvoir et que j'aime pédaler quand l'asphalte luit dans le soir, quand le caoutchouc des pneus s'imprime sur le gris avec une petite musique presque poétique et quand s'élèvent au-dessus du jardin sombre des parfums de feuilles mouillées.
Si je tenais un journal, j'aurais écrit que j'ai aimé attendre dans la rue derrière la porte vitrée et que je sentais se former très profondément en moi le sourire à venir.
Si je tenais un journal, j'aurais décrit la parenthèse et je me serais efforcée de n'en traiter que les détails infimes que j'aurais mêlés à ceux de l'espace.
Si je tenais un journal, j'aurais écrit que la façon dont vous me devinez quand vous m'écrivez me surprend presque et me touche infiniment.
Si je tenais un journal, j'aurais écrit combien il m'importe que vous partagiez avec moi vos peurs et qu'elles sont étrangement semblables aux miennes.
Si je tenais un journal, j'aurais écrit qu'hier, j'ai redescendu le boulevard, un sac de fruits dans une main, un sac de légumes dans l'autre, un sac à main sur l'épaule et un sac de pensées dans la tête qui m'étiraient au fur et à mesure de la descente un sourire grandissant.
Si je tenais un journal, peut-être aurais-je décrit une à une ces pensées, ces souvenirs imagés. J'aurais ajouté que, dans mes déambulations, je suis parfois obligée de marquer un temps et de fermer les yeux tant le trouble provoqué par ces images me traverse.
Si je tenais un journal, j'aurais parlé du mot "ambivalence" dont il a cherché devant moi la définition dans le dictionnaire. Je lui ai dis que j'aimais beaucoup les illustrations de son dictionnaire. Et que l'ambivalence nous est probablement nécessaire.
Si je tenais un journal, absorbée par l'écriture, je ne sais pas si j'aurais vu cette pie sur le toit d'en face, arrogante, joyeuse et insolente.
Elle m'inspire le goût de la désinvolture.
J'aurais sûrement le temps d'écrire après.

Et pendant ce temps où je ne tiens pas un journal, je travaille un peu pour vous (je vous montre bientôt) et pour des bébés tout neufs


09/09/2015

*Arpenter*






















Je travaille seule. Toujours.
Je ne parle pas.
Je ne sors pas de chez moi.
Je reste parfois en pyjama.
Mais parfois aussi je mets mes chaussures et je marche dans l'appartement et j'aime bien je travaille seule avec mes chaussures que personne ne voit mais je suis bien avec mes chaussures comme ça je vais de l'ordinateur à l'imprimante au café au balcon en haut en bas avec mes chaussures aux pieds.
Et quand ils rentrent ils me disent mais qu'est-ce que tu fais avec tes chaussures à talon ?
Ben rien.
Et puis on danse.

*

Tous ces gens qui écrivent tous ces gens qui écrivent tous ces gens qui écrivent tous ces gens qui écrivent tous ces gens qui écrivent tous ces gens qui écrivent tous ces gens qui écrivent tous ces gens qui écrivent tous ces gens qui tous ces gens
C'est vertigineux

Je me demande si eux aussi dans leur solitude ils arpentent leur balcon en talon...


05/09/2015

*Décoller*






























Il avait dit : je voudrais un bouquet, c'est pour une fée.
Le fleuriste avait répondu : alors, si c'est pour une fée, il lui faut des fleurs variées.

A l'époque, mon lit se résumait à une plaque de mousse posée à même le sol dans une chambre sans fenêtre.
Ce jour-là, j'avais trouvé une brassée de fleurs multicolores qui sortaient leurs têtes de dessous ma couette.

Ce souvenir me traverse souvent.
Avoir été.
Vouloir rembobiner.

*

J'avance sur l'axe très droit entre deux rangées d'arbres tellement alignés que, la musique me portant, je me sens décoller.
Je pense à ces histoires qui se tissent dans le ciel au fil des mots mêlés.
Je pense à ces romans qui s'écrivent à notre insu.
Je ne voudrais pas m'arrêter de marcher.