26/02/2016

*Limber*





























Je sentais que la brume commençait à me cerner j'avais empilé du silence toute la journée j'ai ouvert la porte il pleuvait j'ai marché les mains dans les poches la nuit tombait.
A paris l'air n'est pas marin mais l'air s'arrange toujours pour faire un peu de bien.
Quand je suis arrivée au niveau du petit café aux bouquets la pluie avait cessé et.
Les bouquets dans la lumière étaient toujours là alignés j'ai pu la faire enfin cette photo qui planait au-dessus de mes pensées depuis que. Le chocolat chaud.
L'image sous mon bras une voix dans le soir les trottoirs luisaient je ne savais pas encore ce que deviendrait le reste de la nuit.
J'ai choisi les limbes du Pacific et l'énergie contagieuse de Denis Lavant. L'énergie de Denis Lavant toujours intacte dans mon souvenir. L'effet fulgurant de l'énergie de Denis Lavant.

Cette même semaine j'ai croisé par hasard Anna Karina sous son chapeau boulevard St Germain, Jane B. trois jours plus tard un peu plus loin j'aurais voulu la serrer dans mes bras, et Denis Lavant sans Bowie mais.
Ce serait trop long de vous expliquer.

On va danser ?
Il a dit oui, mon cavalier, prépare tes chaussures, je passe te chercher.

Sur les quais j'ai pédalé très vite j'ai cru voir une feuille morte voler au ras du sol, hésitante et légère, c'était un raton un peu roux qui s'enfuyait.




19/02/2016

*Danser*























Le soleil tape derrière les carreaux. J'aime bien écrire en pyjama.
J'entends un volet qui claque. Elle parle à la radio.
Je voudrais écrire âpre. Je vais commencer par l'ailleurs.
Je n'aime pas que tu m'éclaires. Laisse-moi être sombre.
Les lumières me caressent à toute vitesse. Je m'enfonce.
Au chapitre deux, on lirait : Mais tu mens, tu te mens ?
Au chapitre trois, on lirait : Non, je respire, je suis vivante.
J'ai posé le livre sur le zinc. C'est un édifice auquel je m'accroche par moment.
Les verres sont vides. Le garçon les remplit une deuxième fois.
Et après, on dansera.

*

A part ça, je vous prépare des nouvelles petites cartes. Bientôt...

12/02/2016

*Développer*


































Et puis, quand on lui demanderait, mais que faites-vous dans la vie ?
Elle répondrait, je développe un chagrin.

Elle développe un chagrin comme on développe une idée comme on développe une réponse. Elle développe un chagrin comme on développe une maladie comme on développe une névrose comme une rose éclot. Elle développe un chagrin comme on bâtit une maison comme on peint un tableau comme on écrit un poème. Elle développe un chagrin comme on regarde le ciel comme la voile se déploie comme le bras s'allonge. Elle développe un chagrin comme un bébé grandit comme une souris grignote comme un souvenir vous ronge. Elle développe un chagrin comme l'horizon aspire comme les brindilles croustillent comme on se glisse dans un lit.
Elle chagrine à longueur de journée son petit chagrin. Elle le pense elle le choie elle le nourrit elle le cultive elle le cajole, son doux chagrin, elle le couve elle en prend soin. Elle développe un chagrin qui peu à peu emplit chaque parcelle de son corps de son esprit.

Elle répondrait en souriant, je développe un chagrin.

*

Il a dit, j'étais sûr que c'était vous.
J'ai répondu, j'ai beaucoup aimé jouer cette scène.

*

Mais sinon qu'est-ce vous faites dans la vie ?
Vous voyez bien, je développe un chagrin. Il est beau comme un songe.

*

J'ai beaucoup aimé jouer cette scène. Je m'amuse à vivre comme dans un film en noir et blanc. Ça m'allège.



07/02/2016

*Automatiser*






















Elle me dit, vous avez des automatismes.
Je pense, tiens, elle ose. Elle ose me dire ce que je ressens si souvent quand je lis les autres. Leurs automatismes. Leurs automatismes me sautent aux yeux et finissent par m'ennuyer. 
D'accord. Je vous entends. Je vais chercher les miens. Je vais les repérer et. 
Je préfère qu'elle me dise ça, plutôt que, c'est formidable ce que vous faites. Je ne l'aurais pas crue.
Elle me pousse au travail. Moi qui ne sais pas. Travailler.
Je préfère qu'elle me dise ça, je sens que sa voix est juste.
Elle me dit, vous avez des automatismes et immédiatement je pense, je dévie.
N'aurais-je pas aussi des automatismes dans les changements de mon humeur ? Dans mes réactions ? Dans la façon dont je plonge ? Et dans celle dont je me relève ? 
Bien sûr. Là, c'est à la gorge qu'ils me sautent, mes automatismes.
Quant à ceux des autres, certains me touchent, me rassurent, me poussent, certains me. Nouent. Je n'en peux plus de leurs automatismes. Je les. Rien. Je les rien. Ce serait trop violent. Ce serait inutile. 

Cette semaine, je veux retourner rue Sedaine et entrer dans ce petit bar à l'angle de la rue. Je suis passée deux fois devant, à dix jours d'intervalle, sans y entrer alors que l'envie d'y faire la même photo s'est répétée de la même façon. L'envie plane au-dessus de moi. Je dois y retourner.

Je demanderai. Un café allongé. Automatiquement. Le zing. Automatiquement. La banquette en Skaï peut-être. L'alignement des bouteilles. Automatiquement. Les fleurs. Automatiquement. Le regard porté au dehors. Automatiquement. Et au dedans. Automatiquement. J'observerai les gestes. Automatiquement. J'écrirai dans ma tête. Automatiquement. Je deviendrai un peu triste. Automatiquement. Je serai bien. Automatiquement. Et je laisserai se prolonger cet instant où je ne fais rien, où je ne fais rien d'autre qu'être là.


01/02/2016

*Entendre*


























Non,  je ne sors pas aujourd'hui, je réponds.
Je ne sors pas mais j'entends.
J'entends, tu me manques.
J'entends, la réalité que nous vivons ne peut pas nous suffire et nous avons besoin d'un ailleurs.*
J'entends, les mots m'ont sauvé du désespoir de la perte de l'absence du deuil. Ça, j'en suis sûre. Les mots sont un asile, un havre, un abri.*
J'entends, on fait toujours un livre sur soi. L'histoire inventée, c'est pas vrai. **
J'entends Emmanuelle Richard parler de son livre et je m'entends.
J'entends la machine qui essore.
J'entends cette chanson qui évoque.
J'entends des sirènes au loin et je ne peux plus entendre une sirène sans penser à la tuerie.
J'entends, nous ne sommes pas qu'un individu, nous sommes mouvants, nous sommes plusieurs.*
Je suis cigale et papillon et. Ça finira mal. Bon. J'écrirai une histoire.
J'entends, il y a des choses qui disparaissent, c'est le risque de la mémoire, c'est l'oubli. Ça fait partie de la beauté des souvenirs qui restent.***
Je vais oublier. J'ai déjà trop oublié. J'ai déjà tant oublié. Le beau comme le "mauvais".
C'est bien aussi. Peut-être. L'oubli.

Samedi, dans le métro, j'entends un violon qui pleure Le Lac des cygnes et j'ai envie de battre des ailes doucement en tournant sur mes demi-pointes. La mort du cygne. Putain de mélancolie.


* : Camille Laurens chez Augustin.
** : Marguerite Duras dans un documentaire, dans Les Nouvelles vagues.
*** : Emmanuelle Richard, dans Les Nouvelles vagues. 
Camille Laurens et Emmanuelle Richard, de belles lectures en perspective je crois...