25/10/2013

*S'imprimer*















Il y a cet endroit, après la fin du parvis, une bande plus foncée dans le bitume,  qui se ramollit au soleil. Je fais exprès, quand je passe, les jours de grand bleu, de marcher dessus, et je sens mon pied s'enfoncer légèrement, s'imprimer sur le sol. Et j'aime bien.

Il y a cet endroit, le parvis que je traverse si souvent. Le parvis de la BNF que j'aime traverser si souvent. J'aime l'espace et la possibilité de l'horizon. J'aime les courants d'air et l'harmonie des tons. Du ciel, du sol, de ce qui m'entoure. Il y a cet endroit du parvis où je tourne toujours la tête pour apercevoir les arbres qui se dénudent de l'autre côté de la Seine, cet endroit du parvis où l'on surgit quand on ressort de la salle de cinéma. On quitte l'ombre, on retrouve la lumière, ou la nuit. C'est à cet endroit qu'un jour, alors que je sortais des images de Wong Kar-Wai, je me suis dit, ce serait tellement bien de trouver un message sur mon téléphone juste à ce moment-là, à cet endroit-là. Mais il n'y avait rien. Il y a cet endroit du parvis où je me souviens de la tristesse de cet instant-là, de ma solitude, du vent dans mes cheveux, du froid qui s'engouffrait dans mon manteau ouvert, de mon regard qui se perdait au loin.

Il y a cet endroit sur le pont de Bercy, presque au carrefour mais pas encore, où j'ai été traversée un jour par un bonheur troublant. Un long sourire, sur tout le corps.

Il y a cet endroit de l'autre côté, un large trottoir assez peu emprunté, avec des fontaines en contrebas, que l'on aperçoit si on regarde par-dessus le muret. Il y a cet endroit où j'ai marché dans le soir en revenant sans arrêt sur mes pas pour ne pas avancer. Il y a cet endroit où j'ai téléphoné en souriant pendant plus d'une heure un dimanche soir à la fin de l'été.

Il y a cet endroit, la terrasse de ce café-là, à l'angle de la rue, où nous étions seuls un soir devant deux verres de vin, il était si tard, et où j'ai senti ta main caresser mon genou sous la table pour m'encourager. Je me souviens de ce geste si anodin mais tellement sincère qui m'a bouleversée.

Il y a cet endroit sous les voies du RER, une rue un peu sombre que j'emprunte régulièrement pour rejoindre et revenir de chez mon amie. Il y a, à cet endroit, le monsieur et sa maison en carton, et tout une panoplie de sensations qui se réveillent et me traversent quand je passe ici, tant j'y suis passée dans des états différents.

Il y a cet endroit, entre deux marches d'un des escaliers de Montmartre, où se sont imprimés le baiser furtif de ce garçon et ses envies de films en noir et blanc. Il y a le pont Caulaincourt à la suite. Oh là là le pont Caulaincourt...

Il y a cet endroit, avec d'autres escaliers. Ceux du centre commercial. Où je me suis assise un jour pour encaisser la nouvelle. Et où je suis restée sonnée. Un long moment.

Il y a cet endroit, au bout du passage Lepic, la petite porte marron sans intérêt, la suivante, légèrement en contrebas, et, derrière, le début de la grande histoire.

Il y a ces endroits, sur les quais, et les images qui s'enchaînent au fur et à mesure de mes promenades. Les images où je sautille de plus en plus haut et de plus en vite avec mes garçons et que nous rions si joyeusement. Les images de tango jusque si tard dans la nuit qu'il ne restait plus que nous le long de la Seine à danser sans rien dire. Les images de solitude aussi. Et d'orage.

Il y a cet endroit rue du faubourg Saint-Denis, où j'ai tant baladé ma jeunesse en passant si souvent devant chez ce petit fleuriste tunisien qui me tendait des roses et me serrait dans ses bras.

Il y a tant d'endroits.

Il y a lundi mon cavalier qui m'invite à prendre un verre chez lui après le cours.
Il y aura le souvenir de nos deux tasses sur la table et du petit morceau de papier que je roulais entre mes doigts en lui parlant.
Avant de partir, je lui dis :
- Je crois que je tiens un sujet de roman pour m'occuper cet hiver.
Il me répond :
- Mais tu es un roman à toi toute seule.
Je le regarde. Je marque un temps.
- Je ne comprends pas pourquoi tu dis ça ?


23/10/2013

*Répondre*

























Je n'aime pas remplir les formulaires car, depuis toujours, je ne sais pas quoi noter dans la case "Profession".
Je bloque.
Tout comme je n'aime pas qu'on me pose la question : "Qu'est-ce que vous faites dans la vie ?"
Je fuis.
C'est comme ça, je ne sais pas ce que je suis. Peut-être parce que je ne le suis pas encore complètement devenue.

En attendant, j'ai répondu à l'interview de la  douce Fibuline ici. Merci...

21/10/2013

*Anecdoter*






















Pour les deux derniers tangos de lundi, c'est un nouveau cavalier qui m'invite.
A la fin du premier tango, il me dit :
- Vous êtes une rebelle, vous.
- ?
- Essayons "fermé", vous voulez ?
Je m'exécute et colle mon buste au sien. Les pas se font plus petits, nos fronts s'effleurent. A la fin, je lui dis que j'ai plus l'impression de danser en "ouvert". Que "fermé", j'ai parfois l'impression de piétiner.
Il me dit que c'est bien justement. Puis il ajoute :
- Ne me regardez pas comme ça, vous allez me séduire.
Je ris.
(Et je ne vous dis pas ce que je lui ai répondu.)

Samedi, j'ai envie de marcher. Je vais m'acheter du thé chez mon marchand habituel.
- Je vais prendre 150g de Earl Grey fleur de Carthame. A moins que vous ayez un autre Earl Grey à me conseiller?
- C'est mon préféré aussi.
- Bon. Très bien alors.
J'ajoute :
- C'est étrange, en ce moment je n'apprécie plus le thé le matin.
- Ha ? C'est comme les amoureux, on se lasse.
Il m'interloque là. Il ne sourit même pas. Ses yeux sont très bleus.
- Oui, ça doit être ça. Mais je persiste, ça fait tellement longtemps que j'en bois que je ne vois pas ce que je pourrais boire à la place.
- Oui, quand ça fait plus de 10 ans, on réfléchit avant de passer à autre chose.
- Hum. Bon... Je vous dois combien ?

Je suis tombée sur le blog d'un auteur que je ne connaissais pas.
J'ai acheté son dernier livre.
J'ai envie de lui envoyer un petit mot. Je vais lui envoyer un petit mot. Je viens de lui envoyer un petit mot. (Ça me fait penser à ça. Mais c'est différent.)
Confronter les écritures. Ça donne de l'énergie parfois.
En même temps, évidemment, je ne me sens pas à sa hauteur.

Et puis en marchant, samedi, j'ai pensé aux endroits. A tous ces endroits où je passe souvent. A ces endroits où sont imprimés des tout petits souvenirs. Des sensations. Qui resurgissent.
Il faisait doux, je marchais le cou offert au vent, et j'écrivais en pensée le prochain papillonnage.

Tout à l'heure, j'étais assise sur un banc et j'ai reçu un long message de l'Arrosoir. J'ai cru que j'allais pleurer. J'ai respiré. Le ciel s'est assombri, le vent s'est levé, j'ai trouvé ça beau. J'ai marché vite sous les premières gouttes, les feuilles volaient partout, j'ai ri au téléphone en courant sur le quai, l'orage grondait mais il ne m'a pas rattrapée, cela aurait pu être encore plus gai.

Il ne fait pas froid. C'est parfait pour sortir le soir. Je vais sortir tous les soirs des vacances. J'ai envie de ça.

Tiens, il s'est arrêté de pleuvoir.




18/10/2013

*Deuxmillequatorzer*
























Ça y est, ils sont les nouveaux calendriers !
Le Marque-page, votre préféré. (J'espère que vous l'aimez toujours ?)
L'Accordéon, un petit nouveau. (J'espère que vous l'aimerez un peu ?)
L'Arbre, encore une petite fois. (J'espère que vous l'aimez encore ?)

J'ai trouvé un livre de poèmes d'amour pour emballer les premiers calendriers Marque-page...

Et puis, si vous cherchez un peu, il y a une ou deux autres toutes petites nouveautés dans le magasin...

16/10/2013

*Dégringoler*

























J'avais repéré un petit banc
Joli
Un petit banc parisien
Un petit banc public
Un petit banc vide
Un peu en retrait
Un peu sous un arbre
Un peu isolé
Un peu démodé
A peine disloqué
Je m'y voyais déjà

Un petit banc pour bouquiner
Un petit banc pour chuchoter
Un de ceux qui invitent à rêver
Qui incitent à fermer les paupières pour se dorer au soleil
Qui proposent de s'allonger même, pour regarder le ciel au travers du feuillage
Un petit banc qui aide à sourire aux passants
Qui rend même amoureux de temps en temps

Je m'y voyais déjà
Oui
J'en rêvais de ce petit banc de ce moment de cet instant de bonheur de cette caresse du vent
Alors
Je me suis élancée
J'en ai même ri de m'élancer
J'ai couru
J'ai sautillé
J'ai volé presque
C'était si léger cette idée
Elle était si douce l'image que je me faisais de moi sur ce petit banc-là

Mais j'ai couru trop vite
Et mon talon a dû heurter un pavé un trou une fissure une béance une branche
Et je suis tombée avant d'arriver
Aplatie sonnée disloquée décalquée sur les pavés

J'ai entendu une petite voix :
Papillon, on ne court pas avec des chaussures dorées et encore moins les yeux fermés...

D'accord, petite voix, je vais continuer nu-pieds.

C'est malin
Je suis tout égratignée
Je ne vais jamais y arriver


C'est la première fois que je vous ressors un vieux dessin, mais il s'y prête bien.


13/10/2013

*Entendre*


























Je suis sortie de mes papillonnages donc
Je n'aime pas trop ça
Je suis sortie de mes papillonnages et vous êtes venus me voir
J'ai entendu vos sourires j'ai pris du plaisir à les recevoir
J'ai entendu, j'adore votre univers
J'ai entendu, je vous imaginais exactement comme ça
J'ai entendu, vous devez être tellement épanouie dans ce que vous faites
J'ai entendu, parfois quand je lis votre blog je ne vais pas au bout c'est si triste si noir je ne peux pas je ferme
J'ai entendu des chuchotements sur le trottoir
J'ai entendu que vous n'aimiez pas les mots tristes
J'ai entendu, vous devriez faire des paquets de cartes de tout vos dessins
J'ai entendu, je suis tellement contente de vous rencontrer
J'ai entendu, ça me fait penser à Prévert
J'ai entendu, je vous aime
J'ai entendu, il lui faut beaucoup de lumière ?
J'ai entendu, ma fille est fan de vous
J'ai entendu, c'est vous qui dessinez et qui écrivez ?
J'ai entendu, j'adore tes chaussures (au moins dix fois)
J'ai entendu, tu as maigri ?
J'ai entendu, tu devrais communiquer sur ça
J'ai entendu, tu dessines avec quoi ?
J'ai entendu, votre trait est si personnel
J'ai entendu le vent en sortant dans le froid
J'ai entendu, je te dirai ce qu'il en pense mon mari
J'ai entendu, je le prends chaque année votre calendrier
J'ai entendu, quelle belle idée !
J'ai entendu, je t'appelle bientôt
J'ai entendu, celle-là est merveilleuse
J'ai entendu, vous avez des enfants ? Je vous imaginais seule dans une mansarde
J'ai entendu, vous avez une carte de visite ?
J'ai entendu, ils sont si juste vos petits accordéons
J'ai entendu, ça veut dire quoi "être une fleur bleue"
J'ai entendu, j'ai hâte
J'ai entendu la nuit
J'ai entendu le silence aussi
Je suis rentrée à pieds
J'ai marché avec mes pensées
Je me suis dit qu'il ne fallait plus que j'écrive des choses tristes mais j'aime tellement ça
Je me suis dit qu'il ne fallait plus que j'aie les idées grises mais je suis bien comme ça
Je me suis dit que je savais très bien sautiller aussi en chantonnant mais vous le savez déjà

Dessin extrait de la vitrine réalisée ce week-end pour la boutique éphémère.


08/10/2013

*Se répéter*




















J'ai dû attendre oui j'ai attendu je crois j'ai attendu oui j'ai dû attendre que quelqu'un me prenne par la taille j'ai attendu que quelqu'un me prenne par la taille me soulève me pose et me pousse sur une scène et me dise vas-y je t'écoute, dis, dis-le. J'ai attendu j'ai dû attendre j'ai attendu oui sans rien dire sans rien faire ou à peine un peu presque inerte j'ai attendu que quelqu'un me prenne par la main me tire un peu me dise surtout, vas-y, écris, dis-le, dis, tu peux. J'ai attendu oui j'ai dû attendre trop longtemps quoique à peine et pourtant tellement j'ai attendu que quelqu'un y croit à ma place me dise me pousse m'accompagne. Allez, vas-y, crache-le, dis-le, murmure-le, danse-le, mais fais-le. J'ai attendu oui je crois j'ai dû attendre il me semble il est si tard maintenant je ne sais plus vraiment si j'ai attendu tellement. C'est bien aussi peut-être de dessiner des fleurettes mais c'est pas pareil. Je ne sais pas. Je ne réfléchis pas tellement en fait.

C'est l'effet Pommerat peut-être cette noirceur. Quelle écriture, Pommerat, une riche découverte. (Du coup, j'y retourne.)
Une larme pour Patrice Chéreau et Christian Gailly. Christian Gailly, mon auteur fétiche je crois. J'ai un tout petit mot de lui quelque part....


06/10/2013

*Remarquer*




Je remarque que, dans mon écriture, j'utilise beaucoup l'adverbe tellement.
C'est parce que je l'aime tellement probablement.
Je remarque tellement d'autres choses aussi.


03/10/2013

*Avancer*


















J'ai reçu des messages inattendus à la suite de mon dernier papillonnage
J'ai reçu un souvenir magnifique depuis que j'ai à peine commencé à éparpiller les miens
J'ai reçu récemment deux livres d'adorables lectrices
Je reçois des choses qui me font sourire
Je ressens de la tristesse parfois aussi
Depuis le début de ce blog, j'avance sur un chemin que je n'avais pas imaginé emprunter
J'explore même quelques impasses
Je crois que je suis prête à tenter la difficulté
Je suis surtout prête à ce qu'il se passe des choses dont j'ignore encore les possibilités
On n'est pas là pour s'ennuyer quand même
Je compte sur vous

J'ai pédalé un peu vite sûrement
Une bouche d'égout peut-être
L'Arrosoir me dirait, elle
En tout cas le rouge Saint-Laurent s'est échappé du petit sac
Le rouge couture Saint-Laurent s'est envolé un instant
Le rouge passion Saint-Laurent s'est ouvert sans le vouloir
Le rouge baiser saint-Laurent a roulé sur le bitume avec un petit bruit troublant
J'ai dû freiner
J'ai dû me retourner
J'ai dû me pencher
J'ai ramassé le baiser
L'ai reglissé dans mon sac
Il y avait une petite trace rouge imprimée sur le gris de l'asphalte


Le 11 et le 12 octobre prochain, de charmantes personnes m'ont proposé de participer à la boutique éphémère d'octobre (42, rue Volta - Paris 3e). Je vais accrocher je crois des petits dessins au mur et me cacher derrière une feuille de Pilea Peperomioides. Les calendriers 2014 devraient être là. Il paraît aussi que je dois dessiner sur la vitrine. Nous verrons bien.