30/09/2013

*Développer*













Je cours pour arriver à l'heure à mon rendez-vous et, quand je commence à parler, je suis essoufflée.
J'admets que je suis dans une impasse mais que j'ai envie d'y être. Je passe une heure au téléphone avec mon amie assise sur un banc dans un jardin. J'achète une boîte de cartouches Lamy.












Je profite de mes passages sur le périphérique pour téléphoner. Quand j'ai terminé, je mets la musique très fort. La 4. La 7. Je repasse à la 4. Et j'avance à la 7.












Je prends un vélib à 9h30 et je pédale très vite le long de la Seine. Les pans du petit manteau jaune s'ouvrent de chaque côté de moi, j'ai l'impression de voler, d'être soudain beaucoup plus légère. Pédaler à Paris dans les courants d'air est certainement plus efficace que n'importe quel antidépresseur. A 11h30, je reprends un vélib pour faire le trajet dans l'autre sens, avec quatre salades maison de chez Minh Chau dans mon panier. Je bifurque, je virage, je file, je m'échappe, je souris, je me sens prête à proposer un café à ce petit clochard qui termine sa toilette sur le quai, à valser sur le pont en chantant une chanson, et à embrasser une horde de fantômes. Evidemment, je n'en fais rien, mais je me mets au travail avec le même entrain. Le soir, je me glisse dans ma robe anthracite puis dans la nuit puis dans mes chaussures vertes puis sur la parquet ciré puis dans les bras de mon cavalier. Face au miroir, nous faisons une ligne, je suis les pas du professeur. Il me dit, toi, c'est bon, tu l'as celui-là, développe maintenant. Bon. Penser à développer donc. Et puis, je lui dis plus tard, mais ce petit pas-là, il n'est pas guidé, ça doit être pour ça que je n'y arrive pas ? Il explose. Bien sûr, qu'il n'est pas guidé ! Improvise, bon sang ! Si tu attends tout de l'homme, tu vas t'ennuyer. (Evidement, mon dieu quel évidence ! Je n'aime pas "mon dieu" comme expression mais je ne trouve pas mieux là.) En résumé, penser à développer, improviser, et ne pas tout attendre des hommes.












Je ne veux pas me sevrer.
Le soir, une terrasse rigolote et puis, en rentrant, la 4 et la 7 et la 4 et la 7 un peu fort toujours mais à peine. Je comble le silence de la nuit.











Un malaise grandissant. Et puis... Non. Rien.
Le soir, je vais au bal, un bal pas perdu dans un endroit magnifique. Je m'assois dans la cour sous la végétation envahissante et je regarde les danseuses et leurs pieds magnifiques dans leurs talons aiguille, je regarde les danseuses et leur corps magnifique dans leur robe jolie, je regarde les danseurs enlacer les danseuses magnifiques et tanguer avec sensualité. Et je me désagrège doucement. Je danse peu. Je danse mal. Je me sens insignifiante. En plus ma robe est trop grande. Je rentre à pieds par les quais. J'aime bien rentrer à pieds par les quais.











Je lui achète un tee-shirt à 34 euros qu'il oublie dans le panier de son vélib. Bon. C'est un peu énervant. Mais ça me rappelle que j'ai trouvé une robe Vanessa Bruno juste à ma taille dans un vélib il y a quelques années et que j'étais très contente. Disons que les choses circulent.
Je suis pleine de quelque chose d'indicible.
Mon rendez-vous de 21h30 à Saint-Germain des Prés est très très très en retard. Je ne lui laisse aucune chance malgré ses 32 sms, je rentre. Cela m'aura permis toutefois une balade en solitaire dans les beaux quartiers. Et j'aime bien les balades en solitaire la nuit dans les beaux quartiers.












J'écris 15 fois Capucine, 15 fois Monnaie du Pape, 18 fois Pavot, 6 fois Nigelle, 7 fois Gueule de loup. Il me manque du papier pour terminer. J'avance sur mes calendriers. Je travaille toute la journée. Je doute toute la journée.
Je sens que j'aurais bien besoin de pédaler très vite dans un courant d'air.

28/09/2013

*Se souvenir* #3




















Je me souviens d'un trajet en bus. C'était peut-être le bus 54. Un bus du boulevard Rochechouart en tout cas, du temps où je vivais en bas de la butte.
J'étais debout, je me tenais à la barre verticale. Juste devant moi, un monsieur était assis. J'étais donc un peu au-dessus de lui. Il lisait un livre de poche. Je l'observais. Son livre était comme un petit bloc-notes, car, à chaque fois qu'il terminait une page, il l'arrachait et en faisait une boule dans sa main.
J'étais fascinée. J'aurais voulu poursuivre avec lui le trajet et sa lecture, et assister au moment où il arracherait la dernière page et se retrouverait avec la quatrième de couverture dans la main et un petit tas de pages froissées à côté de lui.

J'ai inclus cette scène, transposée dans un autre lieu, à un scénario que j'ai abandonné ensuite.
J'abandonne tellement de choses. C'est incroyable. Je m'abandonne parfois aussi je crois.

25/09/2013

*Se souvenir* #2




















Je me souviens d'un deuxième rendez-vous très attendu, il y a longtemps. C'était presque le premier d'ailleurs. Je me souviens de tous les détails du chemin pour l'atteindre. Je me souviens du vent. Je me souviens qu'il s'est mis à pleuvoir et que je suis rentrée dans un grand magasin acheter un parapluie. Je me souviens que je ne marchais pas trop vite pour ne pas me mouiller les pieds. Je me souviens que je n'ai pas trouvé tout de suite le petit café. Je me souviens que je cherchais le numéro 8 de la rue et qu'il n'existait pas. Je me souviens que je suis arrivée la première mais qu'il est arrivé juste après. Je me souviens de nos sourires et du plaisir de se retrouver. Je me souviens de mon malaise et de ma difficulté à parler. Je me souviens que je me suis sentie une personne sans intérêt et que je n'avais plus envie de me trouver en face de lui. Je me souviens que je l'ai trouvé soudain arrogant et sûr de lui. Je me souviens que je n'ai pas aimé le trouver arrogant et sûr de lui. Je me souviens que j'ai senti notre déception s'installer autour de nos tasses à café et que je n'en avais pas envie. Je me souviens  qu'il m'a dit, en fait, tu es une sorte de femme fatale avec un cerveau intelligent. Je me souviens que je n'ai pas su comment le prendre. Je me souviens qu'il m'a dit encore, tu dois partir. Je me souviens que, oui, je devais partir mais qu'il s'ennuyait sûrement. Je me souviens que nous sommes sortis, qu'il portait son casque dans une main et que nous avons marché quelques mètres ensemble. Je me souviens qu'il y avait le centre Pompidou sur le côté et que nous devions nous séparer. Je me souviens que je lui ai dit, tu me rappelles?, et qu'il a répondu oui. Je me souviens que nous nous sommes embrassés, deux bises sur nos joues. Je me souviens que je me suis sentie très petite. Je me souviens que j'ai pensé avec une tristesse infinie que cette relation devenait une relation commune et que nous nous quittions de façon vulgairement commune. Je me souviens que j'aurais voulu tout effacer et revenir en arrière.
Je me souviens aussi de quelque chose de très doux, la barbe naissante sur sa joue.

 Ce petit texte fait partie du projet (abandonné !) des "souvenirs éparpillés". 


19/09/2013

*Oublier*


















Samedi
Je suis sortie
Avec mon grand
Il faisait gris
Le ciel était blanc

Zut
Je lui dis
Je me sens nue
J'ai oublié mon téléphone
Je le regarde : je suis nue là ?
Il sourit

J'ai oublié mon téléphone
Oh non
Je ne peux pas instagramer ces mariés recroquevillés sous un parapluie rose sur le pont de Bercy
J'ai oublié mon téléphone
Mince
Je ne peux pas guetter les messages et répondre n'importe quoi
J'ai oublié mon téléphone
Bon
Personne ne pourra me demander t'es où tu fais quoi tu reviens quand un tango ce soir tu prends le pain on dîne en ville ?
J'ai oublié mon téléphone
Mais
Je suis libre alors
Je suis libre d'avancer plus vite et de regarder toutes les photos de la ville sans les faire
Je suis libre d'inventer tous les messages que je voudrais recevoir
Je suis libre d'écrire n'importe quelle histoire
Je suis libre d'errer même qu'il se met à pleuvoir
Je suis libre de passer mon bras autour de ses épaules oh là là mais tu es plus grand que moi
Elle est où ta petite main qui se glissait dans la mienne
Je suis si vieille ?

Il veut je ne sais quoi au Starbuck
Je lui dis moi non je ne rentre pas là-dedans
Je lui tends un billet et je vais l'attendre à la terrasse sous l'auvent du petit café de la petite rue sur le côté
Je ne suis pas encore assise
Je n'ai rien demandé
On m'apporte un café
Je souris
Puis
Je regarde dans le vide
Je regarde dans le loin
Je regarde dans ma vie
Je ne regarde rien

A droite
Il pianote sur son écran
A gauche
Elle raconte quelque chose puis s'interrompt et se met à pleurer

Le voilà qui revient avec son truc à la fraise ses yeux bleus et sa paille dans la bouche
Il pleut de plus en plus
J'ai oublié mon parapluie aussi
Tant pis
Nous marchons sous la pluie
Je suis libre de sentir les gouttes ruisseler sur mon visage, et avec elles les souvenirs
Les souvenirs ruissellent
Les souvenirs de pluie
Les souvenirs lointains
Les souvenirs d'hier
Et ceux de demain
Je n'ai pas tout oublié
Juste mon parapluie mon téléphone et l'heure qu'il est
Ah oui
Aussi
Je crois que j'ai oublié que j'attendais



16/09/2013

*Noémiser*
























Elle me dit
Quand je te lis
Tu me donnes envie de t'écrire
Alors je prends des notes pour toi dans mes carnets
Elle me dit
Ça m'ennuie que tu écrives que tu n'es ni sexy ni rock'n'roll
Tu es tellement plus que ça
(Mais je m'en fiche, tu sais, Noémie, tout cela n'est que littérature.)
Elle me dit
Tu es prête maintenant pour écrire un roman
Et tu vas avoir plus de temps
Je t'appellerai tous les jours pour m'assurer que tu y travailles
Je lui dis
Non, je ne crois pas
Je ne serai jamais prête
Je ne suis pas courageuse
Je manque d'imagination
Je fais les choses seulement à moitié
Je ne sais pas terminer
Je lui dis
Je suis toujours entre deux
Entre deux émotions
Entre deux envies
Entre deux tout
Entre deux riens surtout
Entre deux vagues
De larmes
Je lui dis
Ecris-moi toi
Ces mots de tes carnets
Je lui dis
Ecris-moi
Ecris, toi
Je veux lire ce deuxième roman de toi

Mon amie Noémie a plusieurs prénoms
Je ne vous les dirai pas tous
Un jour, elle s'est appelée Luce
Et elle a écrit un roman

Dedans il y a cette phrase parmi toutes les autres :
« Parfois, je songe à partir. Un long voyage, une brèche dans ma vie. Mais peut-on faire une brèche dans le vide ? »

C'est beau.

Merci, Noémie, pour ta lecture précise et précieuse.
Et ne m'appelle pas tout de suite, je ne suis pas sûre de pouvoir articuler deux mots aujourd'hui.

   


14/09/2013

*Se souvenir* #1



















Je me souviens de cette boîte de gâteaux entre nous. Une boîte de gâteaux en fer. Carrée. Fermée.
Nous étions assis par terre, sur la moquette grise, élimée, adossés au petit canapé qui me servait de lit.
Le studio était très petit.
Je portais une jupe en daim marron. Un marron fauve. Une jupe droite légèrement évasée, plutôt courte, au-dessus du genou. Une jupe un peu Bonnie. Mes collants étaient noirs, opaques, mon pull, noir aussi. Je n'ai aucun souvenir de sa tenue à lui.
Mes genoux étaient collés l'un à l'autre, repliés vers moi, mes pieds joints, posés à plat sur le sol. J'avais des chaussures à talons.
Nous discutions, la boîte de gâteaux posée par terre entre nous.
Il regardait mes jambes. Il me dit : Je n'avais jamais remarqué la cambrure de ton pied.
Nous avions été dans le même cours de danse, dans une autre ville, pendant un an, sans jamais nous parler. Je ne sais même pas comment nous nous étions retrouvés chez moi quelques années plus tard avec cette boîte de gâteaux entre nous.
Je ne me souviens pas de son prénom non plus, L. peut-être, seulement de la façon dont je me suis assise sur ses genoux, un peu plus tard dans la nuit, sur un petit banc isolé de la butte. Montmartre.


Ce petit texte fait parti des souvenirs que j'ai écrits cet été et que je devais envoyer à quelques-unes d'entre vous en version manuscrite. Ce petit texte fait partie du projet des "souvenirs éparpillés". Mais je suis désolée, pour l'instant je renonce. Je ne suis pas satisfaite du résultat.

10/09/2013

*Glisser*















J'aime me glisser dans mon lit
J'aime me glisser dans la nuit
J'aime me glisser dans ma robe en mousseline
J'aime glisser sur l'asphalte mouillé en vélo
J'aime glisser sur le parquet ciré en dansant le tango
J'aime glisser des lettres dans la boîte jaune
J'aime glisser ma main sous les tee-shirt des garçons (de ma maison)
J'aime (attention j'inverse) qu'on me glisse un mot doux à l'oreille
J'aime glisser des noisettes fraîches dans mes poches et les manger au bord de la petite route en les cassant avec un caillou. Ça me rappelle quand je traversais les terres noires pour rejoindre la haie de noisetiers chez ma grand-mère et que je cassais tout l'après-midi des noisettes, fascinée que j'étais de recueillir les petits vers blancs fripés et adorables.






C'est tout ?
Non.
J'ai chanté toute la nuit une petite chanson du coup je n'ai pas dormi encore.
Je ne vous dis pas laquelle, elle risquerait de se réinstaller dans ma tête pour la nuit entière.

C'est tout ?
Non.
Ma collègue préférée m'a dit aujourd'hui :
- Mais tes lectrices, elles doivent t'imaginer habillée tout en noir et toute triste...
- Ha bon ? Tu crois ?
- Alors que, pas du tout, tu te "poiles" toute la journée !
(Avec toi, ma chère Yeah Yeah, c'est sûr, difficile de faire autrement.)
Donc, rectification mes chères lectrices, (les lecteurs comptent pour du beurre), sachez que je ne m'habille pas tous les jours en noir et qu'il y a des jours où je ne pleure pas, si si, des jours où je suis si rieuse que je cours dans les flaques en ballerine avec mon parapluie fleuri et mon manteau jaune et que j'aime beaucoup ça.

C'est tout ?
Oui. Désolée.
Ah non. Merci beaucoup.


06/09/2013

*Mépriser*
















Tu vois mes pieds dans la glace ?
Tu les trouves jolis ?
Je n'arrive pas à dormir
Alors je me fais mon cinéma
Je rêve à des promenades à des reflets à l'aube d'un baiser
Je bois un verre d'eau
Je guette le premier métro

J'en ai écrit des choses dans ma tête cette nuit
J'en ai écrit des lignes et des lignes en me retournant, nue, sous le drap léger
J'en ai échafaudé des scénarios des quiproquos des mélos
J'en ai additionné des négations des suspicions des sanglots longs
La nuit je ne mens pas mais je ne dors plus
Je ferais mieux de mentir et de dormir
Car les jours des nuits sans sommeil je me sens si vieille après
Ha ? Tu sais, j'ai cassé ma bague
C'est dommage
J'ai envie de l'avoir encore
Mais je me demande pourquoi j'ai acheté cette robe que je ne mettrai jamais
Encore une robe très belle mais si sage
Je ne suis ni rock'n'roll ni sexy c'est comme ça
Et puis tu sais aussi j'ai vu Jeune et Jolie de Ozon quand tu n'étais pas là
Tant de beauté me rend triste
Je suis rentrée très triste
Et pour me faire plus mal encore j'ai relu des mots qui m'ont fait pleurer
Et ce film m'a fait repenser à un garçon magnifique que je croisais à la fac quand j'avais 20 ans, un garçon magnifique, très jeune, intelligent, qui se prostituait avec désinvolture sur les boulevards extérieurs
Je trouvais ça incroyable
Des hommes si vieux et un garçon si jeune si beau qui se glissait dans leur voiture

J'aimerais tellement être jeune et jolie et me dire que tout est possible encore
Courir les rues parisiennes et ne plus penser qu'il est trop tard
Oser ne plus attendre
Oser enfin
Mais il est si tard déjà
Et plus rien n'est possible
Déambuler peut-être
Déambuler toujours
Je peux déambuler encore, hein ?
C'est possible, ça, oui
Mais déambuler jusqu'au petit matin ça rend mélancolique aussi
Je peux sentir ta main
Oui
Je veux sentir ta main
Mais avancer, hum... avancer, je ne sais pas
Je ne sais pas avancer

Tu t'endors ?
Tu ne m'écoutes plus ?
Tu t'endors...
Tu t'es endormi

Et ma bouche ?

Presque le même ici.
Et c'est incroyable, alors que je publie ce billet, Piccoli est à la radio et on lui passe cet extrait du Mépris.... Il est des coïncidences parfois.


02/09/2013

*Re-Vitriner*



















Lundi
La petite rue montait
La petite rue sentait encore le repos d'une fin de mois d'août
J'ai poussé la porte vitrée du numéro 20
J'ai aperçu des jupons en tulle et une rangée de petits cartables
Au fond, une ligne de chaussures
Des petits souliers, des ballerines à étoiles, des bottes à paillettes, des chaussons dorés

J'ai rangé ma mélancolie dans un coin
J'ai sorti mon crayon
Je me suis mise nu-pieds
Et j'ai dessiné sur la grande vitre une histoire inventée

J'ai commencé par les branches, j'ai fait pousser des feuilles des pommes et des oiseaux
Une balançoire pour s'émerveiller
Pour que tu m'émerveilles
Encore
Mon échelle dans un coin
Toujours
Et puis
Un petit cortège d'animaux
A hauteur de marmots
Pour les accompagner
Peut-être
Le jour de la rentrée...

Quelques photos ici même si ce n'est pas facile à photographier une vitrine...

Je remercie beaucoup Caroline de m'avoir invitée à dessiner sur sa vitrine.
Allez la visiter, vous y trouverez de jolis cadeaux et une multitude de chaussures pour les petits pieds !
Botoù - 20, rue Milton - Paris 9e

Et je précise, pour éviter les mauvaises surprises, que cette création (comme la précédente) est un travail de commande et qu'elle est protégée par des droits d'auteurs. Toute reproduction est interdite. Merci !