30/03/2014

*Se tortiller*



Debout appuyée au chambranle les pieds croisés dans mes Salomé je regarde les filles se tortiller sur les chansons à la mode. Je ne me tortille pas, moi, je suis absolument immobile et perdue à Boulogne dans ma robe à fleurs.
Elle avait dit fête de printemps en costume, personne n'a respecté la consigne. Je suis la seule à peine déguisée en fleur parmi tous ces inconnus. Je ne me sens même pas ridicule.
J'ai envie de danser mais pas de me tortiller, j'ai envie qu'on me prenne la main qu'on me fasse tourner, j'ai envie d'un rock à six temps d'une valse à trois temps d'un tango hors du temps de discrets enlacements j'ai envie de danser j'ai envie de danser.
Dans le jardin je fais trois pas sur la pelouse et j'entends par-ci je suis courtier en assurance, par-là contrôleuse de gestion, plus loin archi, archi en pagaille même, médecin urbaniste juriste et vous ? De grâce soyez chic ne me demandez rien vous voyez bien ce que je suis je ne suis rien.
Je vois bien qu'ils me regardent tous, lui surtout. Ils s'interrogent. Je les laisse s'interroger.
Il y a celui enfin qui remplit mon verre et qui s'installe tout près. Nous rions beaucoup, et si je reste silencieuse il me dit que je lui fais penser à Tess. On ne me l'avait encore jamais fait Tess. J'ai une belle collection pourtant de comparaisons.
Il est tard il veut me laisser son numéro mais je lui dis vous savez je n'ai pas de crayon plus de batterie aucune mémoire et je ne prends pas d'initiative alors c'est inutile. C'est dit.
Il est tard et je m'enfuis je me perds un peu plus je ne retrouve plus la direction de Paris.
Il est tard et enfin j'y suis et je m'engouffre sur le périphérique mais je suis distraite je le prends à l'envers. Tant pis. Il est fluide et silencieux presque vide ça glisse je monte le son je monte très fort le son toujours les mêmes chansons.
Mais je n'entends rien je ne chante rien je m'enfonce dans mes pensées, je n'entends rien je ne pense plus à rien je m'enfonce je m'enfonce dans le noir de la nuit éclairée.


27/03/2014

*Troubler*






















J'ai 22 ans. Le tout petit studio est vide. C'est moi qui l'ai obtenu. Je suis là pour signer l'état des lieux. Nous faisons le tour de la pièce avec l'agent immobilier. Puis il me tend la feuille. Je prends appui sur une petite étagère coincée au fond du ridicule coin cuisine. Une sorte de placard vide. Je porte une petite robe noire et droite à bretelles un peu larges. Mes épaules sont nues, mes jambes aussi. J'ai des petites chaussures noires que j'aime beaucoup. Il me tend un stylo. Je coche les cases. Je suis dans un tout petit espace et je le sens derrière mon dos. Il est beaucoup plus grand que moi. Imposant. Je suis minuscule. Je sens qu'il se tient au plus près. Qu'il peut. Que je n'ai pas sa force. Je sens son souffle. Je sens son regard sur ma nuque penchée. Je sens son silence. Je sens sa chaleur. Je pense non quand même il ne va pas. Je sens qu'il ne faut pas que je bouge car sinon il va. Je sens qu'il ne faut pas que je bouge car inévitablement nous allons nous toucher et qu'il ne résistera pas. Je sens qu'il ne faut surtout pas que je me retourne.  Je coche les cases, seuls mes doigts bougent. Je coche les cases je ne sais plus vraiment ce que je coche, puis je signe en bas. Il se ressaisit sûrement. Il sait que j'ai fini il s'éloigne légèrement. Je me retourne. Je sens son trouble. J'étais loin d'imaginer que. Je lui rends la feuille et son stylo. Nous avons terminé il me tend les clés.
Il me raccompagne dans le hall d'entrée. Ses yeux sont très bleus.
Je me tourne légèrement pour lui faire face et lui serrer la main avant de partir. Et c'est là qu'il craque. Je sens qu'il tremble mais il ose. Il me serre plus fort la main et me retient. Sa voix est cassée il bafouille. Il m'invite à prendre un verre.


C'était ce studio-là.
Ce petit texte fait partie du projet des souvenirs que j'ai lâchement abandonné.

20/03/2014

*Essir*































Et si on y croyait encore ?
Et si on se battait un peu ?
Et si on mettait des collants en dentelle et qu'on avançait sur la pointe des pieds ?
J'ai oublié que je savais danser
Et si on dévalait les escaliers ?
Et si on mangeait à minuit ?
Et si on échangeait nos carnets ?
Je me suis allongée par terre
Et si je continuais dans le désordre ?
Et si on se disait tu me manques au milieu de l'après-midi ?
Et si on arrêtait les questions ?
Et si on recollait les morceaux ?
Et si on ramassait les pétales ?
J'ai hâte de respirer sous les marronniers en fleurs
Et si on passait d'une rive à l'autre ?
Et si tu me lisais à voix haute ?
Et si on se dévoilait un peu ?
J'ai oublié que je savais tellement rire mais je ris encore
Et si on recommençait avant le début ?
Et si j'avais un peu de courage ?
Et si tu répétais les jolis mots ?
Et si tu osais un peu et moi aussi et eux encore ?
J'ai envie de danser
Et si on arrêtait d'emprisonner nos pensées ?
Et si vous me répondiez ?
Et si on se comblait ?
J'aime trébucher pour les égratignures
J'aime m'ébrécher pour le baiser qui console
Et si on se roulait dans l'herbe ou dans les coquelicots ou dans les draps ou dans leurs mots ou dans les nôtres ?
Et si on s'en lavait les mains ?
Et si on buvait jusqu'au matin accoudés au zinc ?
Et si je posais ma tête juste à cet endroit ?
Et si l'asphalte ?
Et si tellement encore mais j'arrête parce que à quoi bon autant enfiler ma robe et aller pédaler au soleil.





19/03/2014

*Lalaler*





















- Mais qu'est-ce que tu fais ?
- Rien.

Je contemple mes giroflées en boutons en respirant les particules.
Je résiste aussi
Et je lalalie
Et je m'abandonne aux fondamentaux, oui, et qu'enfin cesse l'hallali...
Le sublime me terre. Le sublime me pousse et me prosterne.

J'ai un nouveau bureau. Pourvu que j'arrive à m'en servir.

Les petits badges *Coquelicoter* et "Toi et moi" sont dans le magasin.


12/03/2014

*Passer*






















Je suis passée près d'un banc aujourd'hui
Je suis passée près d'un banc parc de Choisy
Je suis passée près d'un banc parc de Choisy, un banc en bordure
Je suis passée près d'un banc parc de Choisy, un banc en bordure, juste à côté de l'entrée côté rue Charles Moureu
Je suis passée près d'un banc parc de Choisy, un banc en bordure, juste à côté de l'entrée côté rue Charles Moureu, un banc vert clair
Je suis passée près d'un banc parc de Choisy, un banc en bordure, juste à côté de l'entrée côté rue Charles Moureu, un banc vert clair où je m'étais assise un jour
Je suis passée près d'un banc parc de Choisy, un banc en bordure, juste à côté de l'entrée côté rue Charles Moureu, un banc vert clair où je m'étais assise un jour pour téléphoner
Je suis passée près d'un banc parc de Choisy, un banc en bordure, juste à côté de l'entrée côté rue Charles Moureu, un banc vert clair où je m'étais assise un jour pour téléphoner je me souviens il faisait beau
Je suis passée près d'un banc parc de Choisy, un banc en bordure, juste à côté de l'entrée côté rue Charles Moureu, un banc vert clair où je m'étais assise un jour pour téléphoner je me souviens il faisait beau et je souriais

Je suis passée près d'un banc parc de Choisy et les souvenirs me rendent toujours un peu triste.

Après je suis rentrée et je suis allée sur ce blog écouter deux ou trois chansons de sa playlist.


10/03/2014

*Juponner*

























Il me dit :
- J'habite depuis treize ans à Paris.
Je lui réponds :
- Tu ne peux pas habiter depuis treize ans à Paris, tu n'as que dix ans !
- Si, trois ans à l'intérieur de ma maman, et dix à l'extérieur.
- Ha. D'accord.

*

Sinon pas grand-chose.
Il fait beau, oui.
Il fait bleu, oui.
Ça fait du bien, oui.
On oublie les pantalons
On enfile les jupons
On sort de la maison
On sourit aux garçons
On se roule dans le gazon
Et on commence les plantations !

05/03/2014

*Mardir*
























Mardi, c'était hier
J'ai acheté un feutre jaune
Le vendeur m'a dit Waouh vos chaussures ! (Décidément...)
Je suis allée mettre du printemps chez Caroline
Après, j'ai acheté trois savons parce que les boîtes étaient jolies
J'ai mangé sept bonbons parce que... rien
J'ai regardé les tissus à 1,90 euros au marché Saint-Pierre
J'ai croisé un play-boy avec lequel je faisais du théâtre il y a 100 ans
Je me suis cachée dans mon écharpe
Je suis passée par la rue dans laquelle j'habitais quand j'avais 23 ans
J'ai pensé à plein d'histoires
J'ai pris un café assise au Progrès (j'ai fait l'impasse du zinc)
Je n'ai rien écrit dans mon carnet
J'ai revu le play-boy dans une vitrine en train de se faire couper les cheveux
J'ai remis le nez dans mon écharpe
J'ai pris le chemin du retour
J'ai enlevé mes barrettes
Je ne me suis pas sentie mieux les cheveux défaits
C'était pire même
J'ai pensé que j'avais envie d'écrire trois, dix, trente pages sur un délicieux lundi qui me manque
J'ai pensé que j'avais envie de délayer
Délayer ce lundi
Délayer les sensations pour les faire traîner en longueur sur des pages
J'ai pensé à la première phrase mais j'ai du mal avec la deuxième
J'ai accompagné mon petit grand au tennis et on a chanté n'importe quoi
J'ai souri au professeur mais je sens depuis quelque temps qu'il y a une gêne entre nous
Ou autre chose
J'ai acheté une baguette, des enveloppes et de la crème fraîche
J'ai remarqué que j'oubliais
Que j'oubliais à peine
Et que j'en étais peut-être à l'aube
L'aube de la fin


02/03/2014

*Cordonnier*

(Je cordonnie, tu cordonnies...)



















Je lui tends mes chaussures
Les bleues
Il passe sa main dessus presque tendrement et dit
Je les aime celles-là il faut en prendre soin
Je lui montre la deuxième paire et lui rappelle qu'il doit avoir les brides 
Une affaire de boucle manquante
Il ouvre le petit tiroir brinquebalant aux dizaines de brides emmêlées
Il me ressort les miennes

Il fait le tour de son comptoir et me rejoint
Je suis rasée de frais, dit-il, vous permettez ?
Et il m'embrasse
Une bise à droite une bise à gauche
Ses mains sur le haut de mes bras
J'espère que vous ne m'en voulez pas, se rassure-t-il en retournant à ses chaussures

Je n'ai pas eu le temps de voir venir moi
Je souris
Avec plaisir, cher cordonnier
Après tout, on a souvent tort de se priver