22/04/2015

*Saluer*
































"Ce mois de mars s’annonce triste encore. Rien ne se passe rien ne la grise elle boit la tasse c’est dégueulasse. Merci Benjamin.
C’est aussi le mois du premier cheveu blanc. Incroyable. Elle n’y croit pas. Ce n’est pas possible. Un cheveu blanc. Bien sûr on le voit à peine, dans ses cheveux clairs. On le voit à peine, on ne le voit pas même, mais elle le voit elle, qui se dresse en vainqueur. Seul. Seul au milieu de tous les autres. C’est terrible. Elle sait que c’est un signe, encore un, du temps qui passe. Elle ne veut pas. Elle ne peut pas. Vieillir. Non. C’est insupportable. Ce n’est pas elle une vieille femme. Une femme même. Elle veut toujours être cette jeune fille errante. Même si elle est triste. Elle veut être celle qui séduit. Elle veut séduire toujours. Avoir la peau lisse. Et pas de cheveux blancs.
Que c’est triste. Et émouvant en même temps. Sa solitude. A lui. A ce cheveu. Sa solitude. Sa clarté aussi. La clarté de ce cheveu blanc lui est soudain très émouvante."

(Extrait du très vieux manuscrit abandonné.)

*

C'était le jour de l'enterrement de mon grand-père. Je me tenais debout derrière ma grand-mère, assise sur ses roulettes, déjà. Nous étions devant l'église. Les amis venaient l'embrasser, lui serrer la main, avant d'entrer par la grande porte.
Un vieux monsieur s'est approché d'elle, s'est présenté et lui a dit :
"Je suis venu saluer mon vieil ami. Il y a sûrement cinquante ans qu'on ne s'était pas vus, je l'aimais beaucoup Paul, on était de vieux copains, on en a fait de belles tous les deux !"
Et là, dans ma tristesse, j'ai ressenti profondément l'absurdité de la situation.
J'ai eu envie de lui dire, à ce vieux monsieur doux et charmant : Mais pourquoi ? Pourquoi n'êtes-vous pas venu voir mon grand-père quand il était vivant ? Pourquoi n'êtes-vous pas venu goûter son vin, admirer son jardin ? Pourquoi n'êtes-vous pas venu vous asseoir sur son banc, pour caresser ensemble vos souvenirs ? Pourquoi n'êtes-vous pas venu avant vous régaler de la cuisine de sa femme, avec la vôtre ? Pourquoi ne seriez-vous pas allés tous les quatre au bal dans la même voiture, vos dames à l'arrière en robes fleuries, et vous, la clope au bec, riant, les vitres ouvertes ? Pourquoi n'êtes-vous pas venu le chercher pour partager une balade une partie de pêche ou de pétanque un bout de zing ou je ne sais quoi ?
A quoi cela sert-il de rendre visite aux gens quand ils sont devenus froids ? Quand ils ne peuvent plus vous sourire ? Quand vous ne pouvez plus leur faire plaisir ? Quand ils ne peuvent plus vous faire plaisir ? Dites-moi, dites-moi, hein, à quoi cela sert-il ?

*

Je ne comprends pas pourquoi on est tous là à ne rien oser se dire.
Je pense à vous. A toi. J'espère que tu viendras me saluer un jour, avant que je sois totalement blanchie, avant que je ne puisse plus danser, avant que je sois refroidie. 

*

Qu'est-ce qu'on attend ?

*

J'ai mis dans le magasin deux mini affiches. Des duos photo/dessin. J'espère qu'ils vous plairont.


6 commentaires:

Sylvia a dit…

"Je ne comprends pas pourquoi on est tous là à ne rien oser se dire."
Moi non plus...

lizonbleu a dit…

A force de vieux manuscrits abandonnés un jour il y en a un qui sort du lot, et alors on ne voit plus que lui, un peu comme le premier cheveu blanc au milieu des autres.
A bien vite,
Lisa.

A" a dit…

J'aime les femmes aux cheveux blancs, je guette les miens avec appréhension, mais aussi avec joie!

sylviedu13 a dit…

Je me les compte plus ces sacrés cheveux blancs, je ne les cache pas non plus, je les laisse vivre leur vie avec les autres mais les coquins, certains font les fous et se dressent droits comme des i au milieu des disciplinés.....

Nikole a dit…

Je n'attends plus, j'essaie de retrouver "les antan". Avec Nicole, on était dans la même classe, en cinquième, on s'entendait bien, et là on s'est retrouvées, avec des vieux souvenirs, et des souvenirs à construire, et des rires, des rires, à n'en plus finir.
c'est difficile d'accepter l'absence d'immortalité. Mais on s'y fait, en vieillissant. Même que la vie, paradoxalement, est de plus en plus douce.
Tendresses, Papillon.

Laure a dit…

Si on ose beaucoup assez souvent et via le net on a des ailes parfois, c'est bien.

il y a ce, il y a ce qui ne
Il y a surtout dans ma tête des arêtes

Le double auquel on rêve
Le double qui nous double en rêve
Le double avec plein de têtes dans mes arêtes, tout ces là ces ceux là ces autres peut être et ceux qui ne sont pas au même rythme que moi parce que nos souterrains ne sont pas les mêmes et différemment nos angoisses nous mènent

Trop pressée trop décalée
avec les cheveux blancs je laisse mieux les silences, je les provoque maintenant, et puis je laisse le vent amener

Laure