10/02/2018

*Frémir*




Mardi

Quand je suis sortie le matin, il n'y avait pas de lettre dans ma boîte.
Un homme dormait sur le trottoir, le ventre à l'air sous la neige qui commençait à tomber. Il n'avait pas de couverture à remonter.
Dans le métro, je crois que je n'ai pas pensé.

En sortant, les flocons bataillaient à l'horizontal dans un vent fou, j'ai marché jusqu'au comptoir. Un nouveau. Claude est à la retraite, ils ont tout cassé de mon rituel.
A l'intérieur, Marilyn chante à tue-tête. Ça réchauffe, ça fait sourire le matin.
Allongé, oui, merci. Le barman est tatoué et gentil. Il y a une rose blanche tout au bout du zinc et la neige hirsute derrière la vitre.

Quand je traverse un peu plus tard le jardin du Luxembourg, après avoir entendu "soyez un peu folle", mais il est fou celui-là, s'il croit que je ne le suis pas assez déjà, bref, quand je traverse le jardin du Luxembourg, il est couvert de dentelle, les chaises sont empilées, les moineaux ont la plume gonflée, j'imagine combien cela doit être chaud là-dessous, j'ai les doigts gelés et le plaisir de ce spectacle me grignote le ventre. Je fais une photo depuis le vieux kiosque à musique.
J'entre dans une librairie vide. Un message doux arrive dans ma poche.
Je passerai bien l'après-midi à ne penser à rien dans la petite tempête de sel qui me picore.

Mercredi.

Plus de flocons déjà mais un bouquet gelé dans mes bras. Je frôle la neige en tulle noire, sur le mur j'écris "chéri chéri" à la craie grasse et je brosse très fort pour effacer ensuite. Mais les chéris ne s'effacent pas.

Jeudi

Un petit bonheur accroché à ma nuque, j'avance sous le soleil éclatant qui donne à Paris des airs de station de ski.
Je voudrais vous écrire toutes les images. Les détritus qui nagent avec les mouettes dans le petit port de l'Arsenal. Un sac en plastique rose dans le vert profond de l'eau stagnante. Et l'ange doré au loin qui scintille sur le bleu du ciel. Les bateaux en enfilade. L'espace.
J'emprunte des rues désertes jusqu'aux grands axes. Le petit parc carré est tout blanc, les cris sont joies, les boules se balancent.
Elle me parle jardins autour d'un thé à la menthe, je rêve d'un vieux rosier et d'un lustre abandonné dans l'herbe. Je n'aurais pas dû mettre ce chemisier, ni ce doré sur mes paupières.
En rentrant je fais un détour pour acheter du fil d'argent et du papier de soie blanc.

Bal du silence, le soir, il ne faut pas parler. Un inconnu, une feuille, un crayon, nos sourires.
N'est-ce pas ce que je fais déjà tout au long du jour ?

Vendredi

Il semblerait que je ne sache pas respirer et que cela entraine les mauvaises pensées. Asphyxie les bonnes, en somme. Je n'y avais jamais pensé.
Nous pourrions nous retrouver au bord de l'eau, vous m'expliqueriez.
J'en ressens déjà la douceur.
En attendant j'empile les doutes. Un mille-feuille.
Le silence se prolonge et je pense à la mer qui nous fera rire bientôt. J'irai clamer avec Julie nos petites folies par-dessus le ressac.

Samedi

Je laisse s'insinuer en moi une sensation délicieuse.
Le soleil me chauffe au travers de la vitre tandis que les toits s'égouttent de toute la neige qui, paisiblement, se fond.

*

La carte "chéri chéri" est dans le magasin et s'accompagne de la jolie chanson d'Arthur H....

3 commentaires:

Unknown a dit…

Jolie plume

Miss Marmotte a dit…

la neige à Paris, le givre à la montagne....un souffle de vent, et les flocons reprennent leurs droits, sous le ciel cotonneux et tout bleu aujourd'hui....les chats marchent dans les traces de nos pas...le soleil me demande de sourire à la vie, je lui demande si même un pâle sourire ferait l'affaire....quelle chance, il me répond : oui. Alors, c'est un sourire franc qui m’illumine, et toutes ces pensées encombrantes s'évanouissent en un instant, ouf...! Belle journée,

Miss Zen a dit…

Je ne commente pas à chaque fois mais j'apprécie toujours autant tes billets, ton écriture, ton atmosphère....