19/07/2016

*S'éteindre*













Dimanche.
Je passe l’après-midi à lire. Je sens que je pourrais pleurer en lisant certains passages et je me demande quand je pourrai m’autoriser à écrire comme ça, sans ellipse. Je me demande si je pourrai un jour gommer les métaphores.

En lisant le dernier paragraphe du livre, deux larmes se forment dans mes yeux.
Je les essuie et j’empêche les autres de suivre.
Je pense à la mort. Je pense à la petite douleur dans mon cou.
Je pense à mon grand-père qui, coincé par les barrières dans son lit d’hôpital, m’a lancé : ce n’est pas la peine de venir me voir si tu ne peux pas me sortir de là.
Je pense à celui que je n’ai pas vu mourir mais dont j’imagine le sourire gêné derrière son masque à oxygène, son sourire généreux et bienveillant, heureux de voir autour de son lit ceux venus l’accompagner. Coincé, apeuré, mais ne l’exprimant pas pour ne pas déranger.
Je pense à celle qui ne pouvait plus me sourire et dont je ne connaissais pas ce regard de reproche et d’affolement devant l’impossibilité qu’elle avait soudain d’articuler. Elle avait pris la couleur des nuages dans les draps.
Je pense à celle qui a rendu si libres et gais les jours de mon enfance et qui s’est éteinte, amaigrie, dans une silencieuse tristesse, alors que j’étais loin un été. Je regrette de ne pas lui avoir demandé de me raconter la femme jeune qu’elle avait été.
Je pense à celle qui a été fauchée en pleine joie. Stop. Comme ça.
Je pense à celui qui a souffert si longtemps avec sourire et patience avant d’accueillir la grande dame, résigné. Je l’imagine chaque soir allongé sous la terre. 

Et puis je me souviens de ta chemise noire, de tes sanglots subits quand tu as voulu me dire, et de ma main qui s’est spontanément tendue pour essuyer tes larmes et attirer tes yeux à ma bouche. Il y avait la petite table carrée du bar entre nous et un journal posé dessus. Tu m’avais montré l’avis d’obsèques.
Et je t’ai dit, chuuut.... ne me raconte pas. Pas maintenant. 

*

Il est court ce texte, j'aimerais qu'il soit beaucoup plus long.
Mais c'est l'été. Je le poursuivrais cet hiver. 



5 commentaires:

Rosy a dit…

L'autre côté de la vie, celle qu'on ne montre pas ...

Nikole a dit…

Tu me serres le coeur Papillon ... mais tu dis de jolis mots. Tendresses.

Anonyme a dit…

Bien triste tes mots.
Monique

Tess a dit…

Comme c'est joliment dit cette approche de la mort ... des moments si intenses ... des instants auxquels on se refuse de parler ! bel été miss

mirabellef a dit…

M.S