12/12/2013

*Arletter*



















Mémé Arlette ne faisait pas beaucoup la cuisine. Elle faisait de la soupe au vermicelle, ou de la soupe avec des lettres.
Mémé Arlette travaillait à la Poste. La petite Poste de la petite ville. C'est comme ça qu'un jour j'ai découvert que, quand on glissait une lettre dans la fente du mur, elle ne s'envolait pas, mais elle tombait dans une boîte, au fond d'un placard.
Mémé Arlette passait beaucoup de temps assise au bout de sa table en formica en tapotant dessus avec ses doigts.
Mémé Arlette regardait ses mains et disait, je ne voudrais pas les perdre, je n'ai de bien qu'elles.
Mémé Arlette portait des boucles d'oreilles à clip et du rouge à lèvres orange.
Mémé Arlette faisait beaucoup de collections.
Je n'ai jamais vu mémé Arlette en pantalon.
Mémé Arlette adorait les frites et les mangeait avec ses doigts.
Mémé Arlette faisait beaucoup de photos, surtout en nous faisant poser dans ses fleurs.
Mémé Arlette râlait derrière les voitures qui ne roulaient pas assez vite, et râlaient après celles qui la doublaient.
Mémé Arlette avait des petits pieds.
Mémé Arlette habitait rue de l'Echelle.
Mémé Arlette aimait partir en voyage avec ses amis des PTT et nous envoyer des cartes postales.
Mémé Arlette nous rapportait souvent des petits mouchoirs brodés de ses voyages.

Pour son dernier voyage, elle était si heureuse si pressée, qu'elle a couru dans la nuit sans regarder avant de traverser. Et la voiture allait sûrement trop vite aussi.
Mémé Arlette est tombée, percutée, sur la chaussée anthracite.
Mémé Arlette ne s'est jamais relevée pour prendre sa valise.

Mémé Arlette, j'aimerais pouvoir te dire, tu sais, j'aime beaucoup les capucines. Même dans les cheveux.

4 commentaires:

Anne a dit…

Ils sont beaux tes textes sur Mémé Arlette.

Anonyme a dit…

quelle douceur dans vos écris,vous l'aimiez cette mémé Arlette,même avec une capucine dans vos cheveux.Amicalement.Annie

arrosoir a dit…

joli sujet que ta mémé aux petits pieds et magnifique portrait !

ID a dit…

J'ai retenu mes larmes en lisant ce texte ce matin, au bureau. Quel émouvant enchaînement avec le billet précédent ! Pour moi, c'est ça, la littérature.