12/01/2013

*S'évanouir*

















Il est appuyé sur le manche de sa pelle
Les autres sont réunis un peu plus loin
Ils regardent l'ampleur des dégâts
Du travail à réaccomplir
Recommencer
Toujours
S'incliner
Accepter
Reconstruire
Reconstruire les petites cabanes aux planches disloquées
Les petites cabanes pour s'abriter

Ceux-là étaient installés dans ce V d'herbe que forment l'embranchement la bretelle la sortie du périphérique au niveau de la porte de la Chapelle.

Le matin je passe vite
Moi
Mais toujours je regarde leurs cabanes jolies
Le linge suspendu entre deux arbres
Les couleurs qui se balancent dans le gris
Ils ont choisi ce coin
Ce triangle d'herbe
Ce bout de terrain
Ils ont la liberté du vent
Et le flux
Et le bruit incessant

J'ai toujours un petit pincement
Quelque part dans un creux
Du ventre
De la tête
Du cœur
Quand je passe
Près d'eux
Et près des camps plus loin
Un petit pincement
Beaucoup d'admiration
De la fascination pour ces vies parallèles
Passées à glaner dans nos poubelles de quoi se construire un petit toit
Un abri pour dormir

Elles sont belles leurs cabanes coincées entre les grands axes
Des dizaines et des dizaines alignées Porte de Paris
La fumée des petites cheminées
Les points lumineux dans la nuit
Toute la vie autour
La misère aussi
Les sourires

Oui il y a la loi
Oui il y a des ordres
Oui le problème est vaste et complexe
Mais comment qui pourquoi
Comment peut-on en un coup porté
Détruire
Saccager
Anéantir
Ecrabouiller
Ces cabanes ces toits ces petites œuvres de bois
Leurs lits
Leur vie
(La même histoire ici déjà...)

Les cabanes du triangle d'herbe ont disparu pendant les vacances de Noël.
Quand je suis passée le premier matin
Il restait encore du linge qui se lamentait sur son fil.
Hier soir
De l'autre côté
Dans la pente
J'ai vu toutes leurs pauvres richesses jetées en cascade
Ce n'est plus de la vie
C'est de la désolation
Un paysage désolé
Et le flux toujours incessant
Des voitures des gens pressés
Et le gris toujours
Et le crachin froid de ce vendredi soir

Pincement.

J'augmente le son de la chanson
Je fuis aussi
Arthur me chante
Arthur me porte
M'océan
Me météorite
Me paradoxe
Me silencieusement
M'oiseaux
Me lune
Me pénombre
Me poète
M'infiniment
Me fragile
M'étoile filante
Me vertige
M'absente
M'amazone
Me tremblante
Me découvre
Me tourneboule
Me transporte
Me chavire
Et je me dis que si un homme m'avait écrit une si belle chanson, je me serais sûrement évanouie et qu'on ne s'évanouit pas assez d'amour il nous manque un peu de folie je ne sais pas pourquoi je n'aime pas trop les vendredis soirs

Le magnifique texte mis en musique par Arthur H est un poème de Gherasim Luca. (Merci Anne !)

14 commentaires:

By Virginie Z' a dit…

Je n'ai pas tes mOts mais mon sentiment est le même... C'est bien triste tout ce gris. Joli week-end Sibylle ♥

Sandrine a dit…

Tes mots sont toujours magnifiques et tu décris tellement bien et fais ressentir de telles émotions !
Merci.

Yvette DUPRAT a dit…

Quête incessante de l'homme partout et ailleurs dans le monde pour survivre, et destruction partout dans le monde de cet "autre" homme que cela dérange.!!! Tu as juste les mots pour le dire, nos yeux pour pleurer et cette grosse boule au ventre qui fait mal... merci pour eux
yvette

mirabellef a dit…

Qu'il est beau ce billet petit papillon. J'aime tes mots, tes autos et cette chanson... Je ne la connaissais pas et je n'arrête pas de l'écouter depuis tout à l'heure. Les premières notes rappellent notre ami S., non ? ;-)
Bises.

lililila a dit…

Merci pour ces mots

Anne a dit…

Oui très beau billet !
cette chanson d'Arthur est un poème de Gherasim Luca, poète roumain. Mais peut être le sais tu ?

my* a dit…

Et elles sont à toutes les bretelles de chaque grande villes de france et moi aussi quand je les vois, j'ai le coeur qui pince ... tu écris si bien tes mots sont justes sincère chargés de tant d'émotions...je suis émue à chaque fois que je passe ici ...

armandetlouise a dit…

J'aime le regard que tu poses sur la vie et tes mots toujours... et ce vendredi est bien triste.
Douce journée Papillon
Marilyne

Madame Alfred a dit…

ce poème avec la voix d'Arthur H me chavire idem . Et tes mots en écho à la pince au coeur quand je passe là parfois , près du triangle d'herbe - car toujours recommencée cette histoire, toujours. (Merci aussi : tes calculs enjolivent un coin de mur, et je compte , alors . )

Contes Graphiques a dit…

Bonjour, je viens de découvrir ton blog que je trouve super, entre les mots et les images, c'est très touchant, continue comme ça! Bisous

Yeah Yeah Girl a dit…

T'aimes pas le vendredi parce que tu regardes pas Koh-Lanta !

*Terre indienne* a dit…

Et si on s'y mettait, tous, à en parler, faire un film, dénoncer, diffuser, faire quelque chose quoi!!! Il y a bien des associations qui se créent pour dénoncer des problèmes au loin (je ne les critique pas), pourquoi pas défendre des causes ici? Par où commencer? Je reviens de Paris et je me rends compte à quel point je suis HORS du monde, déconnectée. Le monde a changé, je l'ai quitté il y a quinze ans, c'était déjà un peu étrange, mais là, je suis presque martienne. De plus, j'ai vu cette expo "la bohème", une honte, malgré quelques belles peintures bien sûr, mais un point de vue complètement kitch, voire stupide.
J'aurais bien aimé te croiser à Paris...

*Terre indienne* a dit…

J'ai trouvé ça :
http://www.rfi.fr/actufr/articles/099/article_64501.asp

Tifenn a dit…

J'adore cette chanson, elle me rythme...