06/10/2012

*Paralléliser*




















C'est le matin
L'heure où les gens partent travailler
Il pleut.
Elle est couchée en sirène
Les jambes prises dans son duvet kaki clair
Appuyée sur un coude
Elle tient un parapluie au-dessus de sa tête.
Vous voyez l'image ?
Moi, elle me saisit.

Cette femme est paisible
Elle a le regard franc
La pause magnifique
Les cheveux longs et clairs
Elle ne semble pas sentir la pluie.

Elle s'est installée ici
Je la vois souvent
Sur ce large trottoir vide
Sur ce large trottoir vide le long du quai
Sur ce large trottoir vide le long du quai au bout
Sur ce large trottoir vide le long du quai au bout où plus personne ne se promène
Sur ce large trottoir vide le long du quai au bout où plus personne ne se promène presque à la fin de Paris.
Elle n'a pas choisi un coin
Elle n'a pas choisi un pont
Elle n'a pas choisi un banc
Elle pas choisi une porte
Elle n'a pas choisi un métro
Elle n'a pas choisi un abri
Elle a choisi cet endroit et elle regarde les voitures passer.
Peut-être.
L'espace qui lui appartient est seulement celui de son corps allongé sur ce trottoir large
Son toit est le ciel immense et sans limite
Ses murs sont nos regards.
Sa vie se tient dans un sac en plastique qui lui sert d'oreiller
Parfois, elle organise deux ou trois objets autour de sa tête.
Une tasse.
Une bouteille.
Une boîte de conserve.
Je crois qu'elle n'attend rien de personne
Pas de pièce
Pas de sourire
Pas de mot
Pas de caresse.
Elle s'est installée en retrait
Tranquille
En retrait de la vie.
Elle a dû comprendre depuis longtemps
Elle
Qu'il ne servait à rien d'attendre.
Ce matin elle est sirène
Majestueuse avec son parapluie au-dessus de la tête
Et le gris
Et la brume
Et la Seine qu'on imagine derrière le muret
Et le platane qui se dénude
Et la grue au loin
Et cet espace vide autour d'elle
Et le silence qui l'accompagne
Et sa vie intérieure
Et sa tristesse peut-être
Et...
Je voudrais m'arrêter et m'asseoir près d'elle.
Et surtout ne rien lui dire.

Ces vies parallèles me fascinent et me bouleversent.
Il y en a d'autres.
Il y en a tant.
Je vous dirai.


7 commentaires:

Sandrine a dit…

Merci pour ce partage, ces images que tu me donnes.
Passe une belle journée.

Virginie Z' a dit…

Un sentiment partagé... Tes mOts raisOnnent et me rappellent ♥ EncOre un bien jOli texte papillOn. Je t'embrasse

Val a dit…

Tout doucement sans faire de bruit...
Encore un écrit si touchant presque bouleversant, merci!

*Terre indienne* a dit…

Je vois l'image. Magnifique, bouleversante.
Grâce à ton écriture qui donne vie à tout ce que tu touches du regard, qui donne envie d'écrire, de dessiner, que cela a vraiment un sens.

Anonyme a dit…

Je vois qui ... je la voyais tous les jours avant en rentrant du travail ... maintenant au travail j'ai un papillon

Ga la Gre a dit…

Je crois qu'elle serait heureuse, peut-être, de lire ces mots que tu poses sur elle, sans rien attendre. Je crois oui. Parce que c'est puissant ce que tu écris.

Isabelle a dit…

c'est émouvant ...