26/05/2014

*Raconter*



























Je suis assise à une table à côté de mon ami peintre. En face de nous, d'autres artistes, comme lui. Des squats artistiques.
La salle est pleine. Je me souviens de la lumière et d'une petite phrase que je tais par pudeur.
Elle s'approche de la table par ma gauche et je suis émerveillée. Elle est blonde elle est claire sa bouche est d'un rouge vif et sourire elle rayonne. Son ventre rayonne. Son ventre très rond et tendu pointe avec douceur sous son chemisier transparent blanc qui s'ouvre et qui dévoile à peine son nombril. Sa peau. Lumineuse. Je la trouve magnifique. Ce doit être la première fois qu'une femme enceinte m'émerveille instantanément à ce point.   

Héléna Villovitch. J'aime bien dire son nom. Et quand je le vois écrit quelque part je pense invariablement à son ventre, à son chemisier ouvert, puis au prénom du bébé, et à la bande de garçons et de filles que j'associe à elle. Elle organise avec eux des soirées un peu expérimentales au Moloko et j'y suis ce soir-là parce que lui parce que lui aussi parce que j'erre la nuit parce que je me promène déjà. Ce sont les nuits de mes vingt ans.

Des années plus tard je me suis rendue à un vernissage dans l'espoir de recroiser ce passé-là. Sur le boulevard Bonne Nouvelle, j'avançais précédée par mon ventre rond moulé dans une robe moirée que j'avais enfilée par-dessus mon jean. Seule, toujours un peu seule, je déambulais dans l'exposition où les gens se tenaient en grappe agrippés à leurs mots à leur verre à leurs oeuvres à leur solitude. J'ai aperçu Héléna. Sans son ventre sans le rayonnement. Je n'ai pas retrouvé ceux que j'avais perdus, encore moins ce que j'avais perdu. Je suis restée seule avec mon ventre, et je suis repartie par le boulevard à pas longs et silencieux.

Juste après j'ai acheté tous les romans d'Héléna. Je les ai lus sur une plage lointaine les pieds dans la douceur le ventre rond caressé par la chaleur de l'ombre.
Dans ses mots, j'ai retrouvé ces années-là. 

Voilà le souvenir, Mirabelle. Et voilà pourquoi j'ai pris ce dernier roman d'elle qui s'est présenté à moi sans que je le cherche, bradé à un euro, dans les rayons de BO.
Je ne l'ai pas encore lu.
Il est peut-être temps d'arrêter de replonger.



1 commentaire:

mirabellef a dit…

Oh petit papillon, je suis si touchée..
Pour ma part, je serais tentée de t'encourager à "replonger" encore... :-)

Bises du soir.