20/12/2013

*Noter*


























Je ne sais pas quoi écrire ce matin
Je pars dans trop de directions
La saison est aux frissons

Alors je regarde mes notes.
Parfois je prends des notes dans des carnets
Parfois je prends des notes dans mon téléphone :
17/12 : Body Calvin Klein
13/12 : Je ne peux écrire que sur ce qui me traverse. Ou presque.
13/12 : Ne tirer que des conclusions négatives d'une expérience : Est-ce normal ? N'est-ce pas dommage ?
13/12 : Je ne sais pas combien de temps je vais me taire. Tout le reste de ma vie peut-être.
13/12 : Je voudrais toujours adoucir vos douleurs.
13/12 : J'entends le silence de tes larmes.
13/12 : Le disloquement du désarroi.
19/11 : Tango - Merc 25 sept - Merc 2 oct - Lundi 14 oct - Lundi 21 oct - Lundi 28 oct - Merc 13 nov
13/11 : Illustration Suzanne Coq
30/10 : Et puis finalement oui/Et puis finalement non/ Et puis finalement il va pleuvoir/ Tellement.
21/08 : Il est des histoires comme des mirages/Qui s'évaporent sans que l'on comprenne pourquoi
09/08 : Souvenirs : Les fleurs variées/Le Select/Cannes/Le buste/Le cellier/Petit vendeur métro
16/07 : Restons muets/Restons sur les grands axes/Restons morts/Restons dans nos souvenirs/Restons en rade/Restons sur le tapis/Restons ignorants


Je m'en vais velouter quelques jours
Je pars avec mon nouveau thermos dans mon sac
Et de l'à peine sous mon gilet

Pourvu qu'il ne fasse pas trop froid
La saison est aux frissons


Merci beaucoup pour les messages mails lettres si encourageants reçus ces dernières semaines.
Merci à l'anonyme aussi.


17/12/2013

*Velouter*































J'aime bien répéter

Sous mon pull
Je veux du léger
De la dentelle
De la tendresse
De la douceur
Du dessous chic
De la résille
De la soie
De l'ivoire
Du noir
De la mousseline
De l'à peine
Du transparent
De l'enivrant
Du troublant

Ou rien
Et ta main

15/12/2013

*Finir*

















Cette nuit-là
A chaque réveil
Je pense
Je pense à ce profond désarroi qui fait basculer
Je pense à ce profond désarroi dans lequel sombrent les proches de ceux qui basculent
Je pense à ce profond désarroi qui s'abat qui enveloppe parfois pour si peu
Parfois pour beaucoup
Parfois pour tellement
Je pense profond désarroi dans le silence de la nuit
Je pense silence
Profond
Profond silence
Désarroi

Et la chute
La violence de la chute
La violence de la chute dans le vide
L'irrémédiable chute
L'irrémédiable vide
L'irrémédiable douleur
L'irrémédiable questionnement
Et la chute

Le profond désarroi c'est parfois presque rien
Presque rien de très profond
Et puis la chute

Je pense à la chute
La violence de la chute
Le disloquement
Le disloquement du désarroi



















Je ne sais pas si c'est toi, le silence
Je ne sais pas si c'est moi, le silence
Mais c'est bien lui, le silence

C'est la fin de l'année
Pensées

















"-Je peux vous inviter à prendre un café ?
- Bien sûr que vous pouvez m'inviter à prendre un café..."
Accordons-nous l'évasion plutôt que le désarroi

C'est bientôt la fin de l'année
Toutes mes pensées



12/12/2013

*Arletter*



















Mémé Arlette ne faisait pas beaucoup la cuisine. Elle faisait de la soupe au vermicelle, ou de la soupe avec des lettres.
Mémé Arlette travaillait à la Poste. La petite Poste de la petite ville. C'est comme ça qu'un jour j'ai découvert que, quand on glissait une lettre dans la fente du mur, elle ne s'envolait pas, mais elle tombait dans une boîte, au fond d'un placard.
Mémé Arlette passait beaucoup de temps assise au bout de sa table en formica en tapotant dessus avec ses doigts.
Mémé Arlette regardait ses mains et disait, je ne voudrais pas les perdre, je n'ai de bien qu'elles.
Mémé Arlette portait des boucles d'oreilles à clip et du rouge à lèvres orange.
Mémé Arlette faisait beaucoup de collections.
Je n'ai jamais vu mémé Arlette en pantalon.
Mémé Arlette adorait les frites et les mangeait avec ses doigts.
Mémé Arlette faisait beaucoup de photos, surtout en nous faisant poser dans ses fleurs.
Mémé Arlette râlait derrière les voitures qui ne roulaient pas assez vite, et râlaient après celles qui la doublaient.
Mémé Arlette avait des petits pieds.
Mémé Arlette habitait rue de l'Echelle.
Mémé Arlette aimait partir en voyage avec ses amis des PTT et nous envoyer des cartes postales.
Mémé Arlette nous rapportait souvent des petits mouchoirs brodés de ses voyages.

Pour son dernier voyage, elle était si heureuse si pressée, qu'elle a couru dans la nuit sans regarder avant de traverser. Et la voiture allait sûrement trop vite aussi.
Mémé Arlette est tombée, percutée, sur la chaussée anthracite.
Mémé Arlette ne s'est jamais relevée pour prendre sa valise.

Mémé Arlette, j'aimerais pouvoir te dire, tu sais, j'aime beaucoup les capucines. Même dans les cheveux.

10/12/2013

*Capuciner*


















Elle me tient par la main et m'entraîne dans la petite ruelle qui monte à son jardin.
Elle est fière.
Je dois avoir quatre ou cinq ans, j'ai passé la nuit chez ma grand-mère, celle chez laquelle je dors le moins souvent.
Mémé Arlette.
Elle cueille une capucine bien orange et la glisse sous ma barrette.
Elle est fière de m'avoir et de me coiffer et de m'emmener à l'école.
Nous parcourons les six kilomètres dans la petite voiture.
Je ne me souviens pas des mots. J'aurais voulu lui dire non pour la capucine mais je ne dis jamais.
La cour est vide quand nous arrivons. Ils sont tous rentrés déjà. Nous sommes en retard à cause de cette capucine-là.
Elle frappe à la porte de ma classe, elle sourit, elle me pousse dans l'ouverture.
Tous les regards se tournent vers moi avec ma capucine sur la tête.
C'est mon premier souvenir du sentiment de honte.
Ce sentiment que je connais si bien.
Je suis une fille qui rougit pour rien.


07/12/2013

*Se complaire*



















J'ai redécouvert le plaisir des déambulations au Père Lachaise l'hiver. J'aime avancer dans les allées désertées. J'aime sillonner entre le silence des tombes. J'aime le bruit des pas sur les pavés. Le froid des pierres et de la mousse. Ma solitude dans ce lieu-là.

Sur une stèle, je remarque que cette femme, morte l'année de ma naissance, porte les mêmes nom et prénom que ma grand-mère. Plus loin, quelqu'un a dessiné sur une tombe un coeur avec des petits cailloux. Encore plus loin, plusieurs bruyères ont été jetées dans l'allée. Encore encore plus loin, les arbres immenses et une envolée de corbeaux. Encore encore encore plus loin, quelqu'un me demande où se trouve Jim. Encore encore encore encore plus loin, deux jeunes femmes cherchent Chopin. La fois précédente, c'est moi qui avais quadrillé la division 13 pour trouver Alain. En bordure, il m'avait dit le gardien. En bordure, oui. Juste en bordure.
Rendez-vous en bordure de la division 13 chez Alain, faudra se serrer comme une forêt vierge,  faudra se mêler de lianes infinies....

Je me suis perdue hier encore au Père Lachaise. J'aurais bien aimé que quelqu'un me retrouve. Je n'avais pas semé de cailloux.













Tu te complais dans cet état, me dit-il.
Je hausse les sourcils.
(Je pense, d'accord.)

Vous devez continuer à écrire, me dit l'un.
Je hausse les épaules.
(Je pense, il faudrait déjà que je commence.)

Vous allez bien ? me demande un autre.
Je hausse mon sourire.
Oui et vous ?
(Je pense, il est charmant.)

Tu passes à autre chose maintenant, me dit-elle.
Je hausse la moue.
Moui.
(Je pense, c'est dommage.)

J'aimerais bien qu'on sorte plus souvent tous les deux, me dit-il.
Je hausse la couette.
(Je pense, il m'aime toujours.)


Tiens, il paraît que c'est bientôt Noël. J'ai fait un sapin.

Allez voir par là aussi


04/12/2013

*Sillonner*






















J'ai pris l'habitude de fouiller dans le bac de livres à l'entrée du magasin. Des livres au rebut, affublés d'une énorme étiquette autocollante jaune avec 1,50 euros écrit dessus au marqueur.
J'en ai pris trois lundi.
Le premier, je le connaissais. Le Navire Night. Je l'ai relu dans la soirée. Son écho m'a allongée.
Le deuxième, je l'ai choisi juste parce qu'il y avait écrit sur la couverture "Bouleversante histoire d'un amour fou."
Le troisième, je l'ai pris pour son titre, La Faille.

Hier, dans le métro, j'ai regardé longuement les sillons de mon visage dans le reflet sur la vitre sombre. Je suis arrivée Porte de la Chapelle. Je devais aller Porte de la Villette. Je perds la tête. Je perds le chemin. Je perds la direction.

02/12/2013

*Dialoguer*






















Nous sommes assis face à face. Chacun sur une chaise. Derrière lui deux filles se tiennent debout. L'une d'elle filme.

Il me demande :
Quels sont les mots que vous aimez bien répéter ?
Je le regarde
J'aime beaucoup cette question
Je le regarde
Il y a un blanc
Long.
Il poursuit :
Moi, par exemple, j'aime bien dire entrecôte. Une belle entrecôte bien saignante, monsieur le boucher, s'il vous plaît !
Je dis, moi non, non moi, moi non ce n'est pas ça
Mais je ne dis rien de plus
Je bloque
Je sens que je ne peux pas répondre
Que je ne sais jamais répondre aux questions
Que je n'ai pas de répondant
Alors je dis :
Non, je ne vois pas

Aujourd'hui
(Car c'est de l'histoire ancienne)
Si je repassais cet entretien
Je répondrais :
J'aime bien dire mon amour























Il poursuit encore :
Vous vous sentez bien là ?
Je lui réponds :
Non, pas vraiment. Mes cheveux.
(Je pense à mes cheveux trop plats trop raides trop sages j'aurais dû les attacher. Je pense à ces petits talons ridicules qui font trop de bruit sur le parquet grinçant.)
Il me demande encore :
Qu'est-ce que vous voulez là, maintenant ?
Je le regarde dans les yeux et je réponds :
Le rôle de Blanche.
Silence.
Il me regarde
Je le regarde
Il me sourit
Je lui souris